Wine Race 2022 : grands crus motos

Ils ne sont pas si nombreux ces passionnés de motos et de véhicules d'avant-guerre. Mais ils sont tous terriblement et fidèlement impliqués dans leur univers. La bécane “à la papa” c'est une histoire qui se décline de bien des manières mais toujours avec le sourire, l'élégance et la bienveillance. Nous en avons eu une fois de plus la preuve quand nous nous sommes rendus l'automne dernier à la Wine Race.

Quelques amis amateurs de belles mécaniques, une ambiance à la cool... la Wine Race

Qu’est- ce donc ?, direz-vous. Une course bien arrosée avec des pilotes au-dessus des limites admises par la morale, penseront ceux qui ont quelques notions d'anglais. Ils auront franchement tort. Car si cette grande première, des plus intimes toutefois puisqu'il s'agissait d'évaluer la faisabilité d'un tel rassemblement, se déroulait au cœur des vignes, la sobriété des participants n'a jamais été mise en doute côté consommation de vin. En revanche, pour ce qui fut de mettre du gaz sur un circuit bien pentu et glissant au milieu des vignes du château La Rivière (Cru de Fronsac de haute tenue) ou encore d'étalonner ses montures sur le tracé d'une course de côte, là il y avait de la générosité et beaucoup de motivation.

Une motivation dont la présence de pilotes venus du Danemark ou des quatre coins de la France est déjà une preuve tangible. Quant au parc coureur, il était peuplé de bien belles machines et de motos rares. Mais on est là pour rouler alors même si les motos ne sont pas des plus courantes on va démontrer qu'elles ont plus que de beaux restes.

Fred Fosse et Greg Hervé, instigateurs de cette fête insolite, sont amis de longue date. Le premier aime les vieilles Indian et les voitures peu communes, le second aime les hot rods bien tapés et les motos qui le sont tout autant. Pour agrémenter ces deux passions, ils sont aussi de sérieux amateurs de surf et d'océans bien remuants. Depuis quelque temps ils se rendent chaque année sur la presqu'île danoise de Rømø où se déroule un festival de courses d'anciennes sur la plage et ont aussi participé à des rassemblements de ce style jusqu'aux côtes californiennes. Bref, ils ont ça dans les tripes, et l'idée d'organiser en France un événement qui sans être tout à fait identique serait très inspiré de ces manifestations à la gloire des courses d'avant-guerre (WWII) leur est venue. Tous deux habitant sur ou pas loin de la côte Atlantique, amateurs de bons crus et disposant d'un réseau de passionnés de leur genre, ont donc œuvré à la tenue de cette première. Il suffisait pour se convaincre de la réussite de leur projet d'échanger avec les pilotes venus d'un peu partout et sur invitation seulement. Fred n'a pas de mal à s'en expliquer : « Organiser cette réunion avec une quarantaine de pilotes auto et moto n' était pas vraiment facile. Le lieu n'est pas adapté à une ouverture au grand public et les soucis de sécurité des personnes, comme des participants, ne nous permettaient pas de faire autrement que sur invitation. Et puis c' était une volonté pour cette première réunion de préserver un côté intime. .. Nous avons dû refuser du monde, je sais que ces personnes ont été sans doute un peu déçues mais je souhaite préciser qu'aucun caractère d' exclusion ou d'une quelconque sélection n'a fait partie de notre réflexion et de la préparation de cette première Wine Race. » Greg, très occupé sur la ligne de départ, confirme ce point de vue. Décidément ces deux-là sont de vrais complices… et parlent d'une seule voix : celle de la passion.

Ce point fait, il est temps de vous parler de quelques machines en lice. On compte pas mal de vieilles H-D WL 750, d'antiques Françaises type Magnat-Debon ou Koehler Escoffier préparées comme le faisaient les pilotes des années 40, de Triumph pré-unit ou Raleigh et Royal Enfield pour celles qui représentent l'Angleterre… et surtout de l'Indian 1941 de Fred l'organisateur. Copieusement stigmatisée par ses virées sur le sable des plages ou les chemins de traverse. Indian aussi très bien représentée par un modèle de 1925 dans un état de toute beauté et propriété de Pascal Roulleau, fin connaisseur de la marque. Les Danois du “Uninvited Motor Club” rencontrés à Rømø et venus spécialement n'étaient pas en reste et roulaient vraiment fort sur des Liberator bien tapées. Glorieux Vikings non dénués de fair-play et d'élégance. Eh oui, il y avait aussi un dress code d'époque que tous les participants ont respecté avec joie. Les organisateurs de la O'ld Race étaient présents aussi. On pense aussi à la WR 46 de Benoît Legras, accompagné de son fils Auguste tout juste âgé de 16 ans et menant avec maestria la WLA de 43 que son papa lui a préparée.

Cette première édition fut une réussite totale. Sans doute parce que Fred et Greg sont d'authentiques et joyeux passionnés !

Un autre participant, Arthur Régnier, ancien crossman en Championnat de France et débarqué de son Pas-de-Calais natal avec un WL préparé en 900, n'était pas avare sur les longues glisses négociées au ras des pieds de vigne fraîchement vendangés. Georges Asséo, en tenue de mécanicien de la police pour l'anecdote, aux commandes d'une Magnat-Debon de 1934 très modifiée et propriété de Françis Bonamy (pilote auto qui porte bien son nom puisqu'il avait prêté sa bécane au pilote susnommé). Tout ce petit monde semblait franchement apprécier ce meeting hors du temps et de ses tracas. Surtout que le spectacle était aussi dans le parc coureur. Par exemple quand Gilles Grépinet, de Unit Motor Shop, tentait de refermer à l'aide d'une simple sangle le carter de boîte de sa T100 Triumph de 1938 ouvert en deux et souhaitait repartir à l'assaut de la piste (franchement têtu le garçon. Et tellement charmant).

Et puis on pouvait aussi profiter des autos présentes et conformes à la période et aussi de quelques stands “commerciaux” installés sous des tentes de l'armée. Pour précision, l'environnement festif et l'accueil des participants étaient encadrés par les gars du club Militaria de Vendée (VHM) venus lourdement équipés de matériel militaire d'époque en parfait état. Entre deux runs, on pouvait aller tailler la bavette avec Janick de Sunday Speedshop, créateur du logo de la manifestation qui exposait ses collections de sapes cool ainsi que le foulard commémoratif de la Wine Race 2022, ou auprès de Florent Tremolosa, joaillier à Biarritz et fondu de motos. Autant vous préciser que le week-end est vite passé, sous une météo clémente de fin octobre, en compagnie de cette bande de joyeux passionnés toujours prêts à taper la discute et à vous expliquer le pourquoi du comment. Un monde de bienveillance qu'il fait bon de croiser, surtout quand à l'heure de l'apéro, juste avant le dîner de gala (en tenue de soirée svp !) chez Carles à quelques pas du château, on pouvait déguster quelques huîtres arrosées de vin blanc local bien frais. Bref, la Wine Race, que ce soit en compagnie de motards fameux ou de grands amateurs d'autos d'exception… c'était un moment rare. Comme on aime !

Le château La Rivière est construit sur les terres de Fronsac - village donnant son nom à ce cru bordelais. Inhabituel par son architecture, il mêle différentes époques et impose son style à flanc de colline, surplombant la Dordogne. Il est bâti au XIIIe (1260) par Gaston de L'Isle, seigneur de La Rivière et maire de Bordeaux, sur les vestiges d'une fortification de l'époque de Charlemagne. Il adopte son architecture actuelle en 1572. Il sera à nouveau transformé par Duthoit, élève de Viollet-Le-Duc à la fin du XIXe . Étonnante, cette bâtisse historique est aussi un hôtel de charme, et un espace de séminaire. Ainsi qu'un lieu de culture renommé avec le festival Confluants d'Art chaque été en juillet (concerts, art des rues, animations littéraires… ).

20 000 personnes le visitent chaque année avec en particulier une longue balade dans les 42 kilomètres de caves et galeries où sont conservées 800 000 bouteilles d'appellation Fronsac. Au catalogue, ce fameux bordeaux rouge mais aussi du blanc et du rosé. Xavier Lufau, actuel exploitant de ce vignoble prestigieux, est aussi grand fan de belles mécaniques. C'est une des raisons pour lesquelles il a souhaité accueillir la première édition de la Wine Race. Un événement qui méritait largement un si beau lieu.