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Georges Monneret : quand Jojo se fait la Manche

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Georges Monneret : quand Jojo se fait la Manche
© Archives Monneret
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Avant de faire le mariole sur une Vespa posée sur une paire de flotteurs, Georges Monneret a occupé l'espace médiatique et sportif pendant plusieurs décennies. C'est tout d'abord un “vrai” pilote moto dont le palmarès laisse rêveur : 499 victoires, 19 titres de champion de France et 183 records du monde !

Sur une Vespa à travers la Manche ou sur n'importe quel engin à Montlhéry, Georges Monneret a chassé le record toute sa vie

Georges commence à courir en 1927 et devient rapidement “pro”. De 1927 à 1975, il pilote des motos françaises (Kœlher-Escoffier, Jonghi, Monet-Goyon), anglaises (Sunbeam, Norton, Velocette, AJS), italiennes (Gilera, Aermacchi), allemandes (NSU) et tout ce qui lui passait sous la main, du 50 à la 1000 cm3 . Mais sa force principale réside en sa capacité à faire parler de lui et de la moto. Georges a roulé dans les mêmes épreuves que ses deux fils aînés, Pierre (seul Français vainqueur d'un Grand Prix de la catégorie reine jusqu'en 2020) et Jean ; il a roulé 24 jours d'affilée (soit l'équivalent d'un tour du monde) avec ses deux fils sur l'anneau de Montlhéry pour établir un record avec une 125 Puch ; il a embarqué sa femme et son troisième fils, Philippe (alors âgé de trois ans), pour une traversée de la France. .. Georges Monneret, qui a commis dix mille “bêtises” sur deux-roues, sait très bien que ses records ne valent pas tripette mais ils ont le mérite d'attirer l'attention de la presse et du grand public sur le sport qu'il aime le plus au monde : la moto. Durant l'été 1952, lors d'une visite dans les locaux de l'ACMA (la firme qui fabrique les Vespa en France), Georges Monneret feuillette une revue interne et découvre une Vespa qui vogue sur un lac italien, posée sur deux flotteurs. Aussitôt, Georges Monneret imagine entreprendre une traversée de la Manche et demande à la marque si cela leur paraît possible. La firme italienne répond que c'est jouable avec une mer calme, ce qui ne sera pas le cas bien évidemment ! Sans réelle préparation, Georges Monneret, qui ne sait même pas nager, va tenter de renouveler l'exploit que Louis Blériot a réussi 43 ans auparavant. À l'époque, relier la Grande-Bretagne est encore une aventure. Faut-il rappeler que le premier vol commercial d'un avion à réaction a eu lieu seulement quelques mois plus tôt entre Londres et Johannesburg ? Le 8 octobre 1952, à minuit, Georges s'élance de la place de la Concorde pour un “exploit” comme il les aime. Il exécute le Paris-Calais à 62 km/h de moyenne, y compris un arrêt ravitaillement de 18 minutes à Abbeville.

Arrivé à Calais à 5 h du matin, il lui faut trois minutes pour transformer la Vespa en véhicule amphibie. Installé sur une petite plateforme flanquée de deux flotteurs, la Vespa est prête à franchir les 32 km qui séparent Calais de Douvres. La roue avant fait office de gouvernail et la roue arrière actionne un galet qui entraîne une hélice. La seule modification apportée à la Vespa est l'adjonction d'un réservoir supplémentaire d'une contenance de 10 L. Au moment du départ, la mer est mauvaise et la sortie du port s'annonce délicate ; Georges Monneret doit attendre 8 h pour s'élancer. La mer est tellement agitée que le bateau qui escorte la Vespa est méchamment secoué. Après vingt minutes de traversée, 14 des 17 personnes à bord sont malades et les cameramen sont dans l'incapacité de filmer !

À 62 ans, Georges Monneret établit son dernier record sur une BSA Rocket III sur l'anneau de Montlhéry

Georges continue, lui, son petit bonhomme de chemin à fond de seconde (le scooter est équipé d'une boîte à trois rapports) jusqu'à ce que la clavette de l'arbre de transmission cède (la version officielle parlera de rupture de l'hélice suite à une rencontre avec un élément flottant). La réparation est impossible et il faut charger le scooter dans le bateau. D'après Georges, ce fut épique et la Vespa a bien failli finir au fond de la Manche.

De retour à Calais, la Vespa est réparée et prête à repartir dès le lendemain matin. La mer est encore plus mauvaise mais Jojo ne se démonte pas. « Je ne veux pas que les Anglais se moquent de moi. » Pour sa seconde tentative, le départ est fixé à 8 h.

Cela se passe mieux et seuls les ravitaillements perturbent le bon déroulement de la croisière. Pour que le “record” ait de la valeur, Georges doit se débrouiller seul. Des fûts d'essence sont arrimés aux flotteurs et il doit évoluer sur la petite plate-forme secouée par les vagues pour remplir le réservoir. Georges prend également soin de la mécanique. « Je ménageais beaucoup ma Vespa car, en déjaugeant, toute la puissance se portait sur la transmission, ce qui lui était considérablement néfaste », déclarait le marin d'eau douce. En vue du port de Douvres, Georges ouvre les gaz en grand et se dit que la Vespa aurait pu supporter un rythme plus soutenu. Après avoir débarqué sur le sol anglais, le champion moto doit supporter les tracasseries administratives concernant l'importation d'un véhicule ! Au bout de deux heures, à 5 h 15 précises, Georges et sa Vespa sont autorisés à prendre la route. À 7 h 20, le pilote du scooter arrive en vue du centre de Londres et il devient le premier homme à avoir effectué un Paris-Londres à bord d'un même véhicule.

Après quelques photos devant Buckingham Palace, Jojo fait le chemin en sens inverse mais le “scoot” est chargé sur un bateau. Comble de l'ironie, la Manche est calme et la traversée se fait sans problème. Georges Monneret fait l'éloge des scooters 125 “modernes” qui permettent de tailler la route à 60 de moyenne en consommant 3 L aux 100. La presse spécialisée en parle et Le Monde consacre même un article à cette aventure. Mission accomplie pour “Jojo-la-moto”. Un peu plus tard, Georges Monneret repartira au guidon d'un scooter pour faire un Paris-Hassi Messaoud et retour. L'idée est d'aller remplir un jerrycan d'essence à la source et Georges effectuera l'aller-retour en cinq jours. L'an passé, Philippe Monneret, le plus jeune fils de Georges, a effectué un Paris-Londres en scooter électrique (mais avec une traversée en ferry) pour fêter les 70 ans de l'exploit.

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