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Guillaume Veyssière : Au four et au moulin

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Guillaume Veyssière : Au four et au moulin
© David Marvier
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Aujourd'hui, lorsque le nom d'Angoulême est évoqué au-delà des frontières de la Charente, c'est souvent pour son circuit de voitures anciennes ou pour son salon de la bande dessinée. Les plus littéraires songeront peut-être à Lucien de Rubempré, personnage malheureux des Illusions perdues. Les passionnés d'histoire, à Clovis qui a bien failli y perdre une jambe ou à Isabelle Taillefer, qui fut reine d'Angleterre. Mais, il faut bien l'avouer, peu nombreux sont ceux qui associent immédiatement la ville à un haut lieu de la gastronomie. Pourtant, le coin est riche d'un terroir exceptionnel et de quelques artisans de haut vol, qui savent le sublimer. Guillaume Veyssière fait partie de ceux-là.

Le restaurant où Guillaume Veyssière officie est sorti de terre en 2019 sur le site de Fontbelle, en pleine nature

Le rendez-vous est fixé pour 10 heures et, bien que l'aiguille des minutes ne soit pas encore à la verticale, le chef est déjà là. La rigueur du professionnel sans doute. Tiré à quatre épingles, droit comme un i, à mi-distance entre une BMW R 18 First Edition et une nineT, Guillaume affiche un sourire chaleureux : il sait que nous allons parler cuisine et mécanique. D'ailleurs, il ne tarde pas à proposer une petite virée sur les routes sinueuses de la vallée des Eaux Claires, en contrebas du restaurant, où se trouvent quelques-uns de ses fournisseurs, notamment un éleveur de cerfs et le papetier du Moulin du Verger à qui il achète de quoi faire de jolis menus, clin d'œil à la grande tradition papetière du département depuis quatre siècles et demi. Tandis qu'il nous explique qu'en matière d'approvisionnement, il joue la carte des produits locaux - « le plus loin, c'est le port de pêche de la Cotinière à Oléron. La fraîcheur est garantie, les poissons et crustacés arrivent directement de la criée. Le cochon vient de Villebois-Lavalette, les volailles de Nersac » -, le chef enfile un perfecto et une paire de rangers, plus propices à la conduite.

Pour une sortie un peu décontractée, son choix se porte naturellement sur la R 18 : bien que le moteur de 1802 cm3 soit donné pour 180 km/h en vitesse de pointe et qu'il parcoure le 0 à 400 m en moins de 5 secondes, Guillaume considère que l'engin n'a pas été spécialement conçu pour les sensations fortes. Le plus gros flat twin de tous les temps requiert en outre une certaine habitude, ne serait-ce que pour apprivoiser le couple de renversement (qui fait pencher la moto à l'accélération sur les moteurs en long), énorme sur ce modèle. Aussi, quand il s'agit d'avaler les kilomètres, il se tourne plus volontiers vers la nineT, « extrêmement maniable et offrant la possibilité de monter à deux dessus ».

Le décor est féerique. Les falaises calcaires de la vallée, vieilles de près de 100 millions d'années, offrent un écho flatteur à l'échappement du cruiser, qui pétarade joyeusement. La route est déserte, les virages s'enchaînent bien. La douce lumière charentaise vient caresser le noir “piano” de la moto. Une matinée idéale, somme toute, avec en point d'orgue un déjeuner à la table du chef, à même les fourneaux.

Le restaurant où il officie est sorti de terre en 2019 sur le site de Fontbelle, en pleine nature. Résolument moderne et sobre, le bâtiment contraste avec la Maison des Sources, en contrebas, où cinq chambres d'hôtes ont été aménagées dans un ancien prieuré.

Derrière la façade en zinc, au bout d'un long mur en béton brut, deux salles distinctes s'ouvrent sur la vallée : d'abord, “La Source”, 32 couverts, dédiée à la restauration gastronomique et, en face, “La Forêt”, un bistro de 40 couverts qui propose une cuisine plus spontanée, plus traditionnelle. Deux ambiances, deux offres complémentaires indispensables selon le chef. Au centre de cet espace de 450 mètres carrés, de part et d'autre du couloir, la cuisine ouverte et la cave se font face, comme pour souligner leur indissociabilité. De quoi alimenter l'imaginaire des clients avant qu'ils ne passent à table.

Tout ce qu'on entend, c'est la musique rythmée des ustensiles, le souffle du chalumeau et le mécanisme du moulin à poivre

À quelques minutes du coup de feu, le calme en cuisine est saisissant. Tout ce qu'on entend, c'est la musique rythmée des ustensiles, le souffle du chalumeau et le mécanisme du moulin à poivre. On est loin de l'effervescence filmée par Claude Sautet dans Garçon !.

Guillaume, qui a fait ses armes chez Bruneau à Bruxelles et au Mas Candille à Mougins où l'ambiance était plus électrique, nous confie que beaucoup de choses ont changé.

L'exigence est devenue telle qu'il serait fatal de consumer son énergie dans des hurlements. Les plats eux-mêmes n'ont plus rien à voir avec ceux qu'il découvrait en feuilletant ses premiers livres de recettes de chefs étoilés, en 1995. « La cuisine est beaucoup plus aboutie, beaucoup plus soignée aujourd'hui. » Pour autant, et malgré l'étoile qui orne son tablier, Guillaume Veyssière refuse de se prendre au sérieux et dit à propos de ses clients : « Je ne suis pas chirurgien, je ne vais pas leur sauver la vie. Je leur fais juste à manger. Il faut simplement que ce soit un vrai moment de plaisir pour eux, du début à la fin ».

C'est vrai, Guillaume Veyssière n'est pas urgentiste, il n'opère pas à cœur ouvert. De là à dire qu'il ne sauve pas des vies… Son menu, c'est Le festin de Babette (Karen Blixen), en plus délicat. Au fur et à mesure que les plats défilent dans la salle, les langues se délient, les sourires sont plus larges et les traits moins tendus. Panier végétal et beurre d'amande, tartelette champignons, cône croustillant et tartare de thon, cromesquis d'escargots, pintade, soufflé aux truffes, mousse de chou-fleur… Un festival ininterrompu de saveurs ! Lorsqu'il élabore un nouveau plat, Guillaume réunit son équipe pour le tester. « Parfois, c' est l' évidence, parfois on ajuste. » Trop technique, pas assez… une note de safran en plus pour un accord parfait avec le dernier vin déniché par Paul, le sommelier, qui gère avec précision près de 500 références et vise à proposer une carte qui soit vivante.

Rien d'étonnant donc à ce que, dans sa cave, des bouteilles de vignerons peu connus côtoient des références telles que Château Rayas ou Romanée-Conti, lui permettant ainsi de « suivre la démarche du chef, en cassant les codes, à la fois par les terroirs et par les saveurs, avec des cépages anciens ou venus d'ailleurs ».

Comme avec ses motos qu'il aime rendre uniques, l'envie d'être créatif en cuisine ne quitte pas le chef charentais

Pour Guillaume, « ce sont les petits détails qui font les grandes maisons ». Comme avec ses motos qu'il fait personnaliser par des préparateurs de Poitiers (FCR Original) pour les rendre uniques, l'envie d'être créatif en cuisine ne quitte pas le chef charentais. Il regarde beaucoup ce qui se fait ailleurs… pour ne pas faire la même chose !

Et surtout, avant de mettre un nouveau plat à la carte, lui et son équipe doivent être en mesure de répondre à une question cruciale : « Est-ce qu'on va réussir à le sortir tous les jours ? ».

Guillaume compose aussi avec l'identité que chacun de ses équipiers apporte, notamment Quentin son second, Margaux sa pâtissière et Paul son sommelier.

Le service est terminé. Un coup d'œil en cuisine : plus rien ne laisse deviner la pièce qui s'y est jouée pendant quelques heures. La prochaine représentation sera donnée un peu plus tard dans la journée. Le public ne sera pas le même, mais il y a fort à parier qu'une nouvelle fois, intérieurement, il applaudira.

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