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Franck Mesnel Crampons & nœud papillon

Modifié le Écrit par La Rédaction
Franck Mesnel Crampons & nœud papillon
© Thomas Vollaire
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Comme il est dur parfois pour les athlètes de haut niveau de raccrocher le maillot, le casque, les gants ou les crampons. Hier, stars adulées au Panthéon de la performance jusqu'au jour où c'est la course, le combat, le match de trop. Lors, les reconversions sont plus ou moins discrètes, plus ou moins réussies. Certains tombent dans l'anonymat, l'oubli, voire la déchéance. Rien de tout cela en ce qui concerne Franck Mesnel, bien au contraire. Le solide demi d'ouverture comptabilisera plus d'une cinquantaine de sélections avec les Bleus du ballon ovale, fort d'un palmarès qui laisse un roman de souvenirs à raconter à sa descendance. Quatre fois vainqueur - dont un grand chelem en 1987, aux 5 Nations (eh oui, l'Italie n'en faisait pas partie à cette époque). 87 toujours, avec un titre de vice-champion de France et celui de vice-champion du monde. Bouclier de Brennus porté à tour de bras en 90 et troisième place arrachée aux Anglais en 95 lors de la controversée Coupe du Monde remportée par l'Afrique du Sud de Nelson Mandela (achat d'arbitre sur la demi-finale du match opposant la France à l'Afrique du Sud et All Blacks étrangement tous malades comme des chiens juste avant d'entamer la finale… bref, passons).

Tandis qu'il tutoie les sommets sportifs avec les collectifs du maillot blanc rayé de bleu ou du coq tricolore, à l'automne 1988, associé à quatre autres joueurs dont Éric Blanc, les “petits”, il lance la première collection Eden Park (nom du stade d'Auckland en Nouvelle-Zélande) dont le logo est frappé du désormais célèbre nœud papillon rose. Un postulat pour affirmer que le rugby est un sport très sérieux mais qui n'a pas la grosse tête. Nous rappellerons, à toutes fins utiles, qu'il y a peu, les joueurs de rugby, même internationaux, n'étaient que des amateurs. Boulot le jour, entraînements le soir à Colombes (92), guerre de tranchées au pré le samedi, bitures stratosphériques le soir en cas de victoire et même de défaite. « Ma reconversion s'est faite assez naturellement en réalité puisque nous avons lancé Eden Park alors que nous jouions encore » nous dit Franck. Je vous rassure, vous êtes bien en train de lire Moto Heroes, inutile de regarder la couverture, donc, assez parlé rugby, passons au parcours motorisé du Sieur Mesnel.

Avec cette passion pour la vitesse et la montée d'adrénaline, rester dans les règles, c'est l'enfer

Le lien qui unit Franck à la moto se noue dès l'enfance avec un père qui roule en BSA et Royal Enfield. Une passion contractée jeune donc et qui amène “Bouboule” (surnom du joueur) à vouloir rouler de ses propres pneus. Si l'international français admet aimer les belles choses, il confesse également sans rougir ne pas être bricoleur du tout comme en témoigne la succession de tondeuses à gazon laissées pour mortes car passées entre ses mains.

« Donc oui, j'aime bien ce qui a de la gueule, mais c'est plus sage que quelqu'un d'autre que moi s'occupe de l'entretien. Plus c'est simple, mieux c'est » confie-t-il en souriant. Vivant à Carrières-sur-Seine, en banlieue parisienne, il obtient les deux permis à la majorité. Avec peu de moyens financiers, il s'offre sa première moto.

Une petite Suzuki SP70 qui lui permet de se rendre aux entraînements. « On rêvait tous de la 500XT de chez Yamaha, mais on jouait au ballon ovale donc l'argent ne coulait pas à flot. » De ses débuts en 3e division, avec une incroyable envie de jouer, il se lance au culot et se pointe au Racing à Colombes. Il y restera jusqu'à sa fin de carrière. Passé en Championnat de France et percevant les primes de match des internationaux, il peut enfin s'offrir quelques jouets mécaniques : Mini Cooper à carbu double corps ou encore Honda S800, la même que Spirou. « Avec les copains du Racing, on allait chez Albert dans le XVe à Paris. Il était notre fournisseur officiel de voitures. » Tout en se marrant, Franck nous dit : « Oui, c'est certain, on n'avait pas les moyens du foot mais nous, on avait du style ! ». Une période qui lui fait lui rappeler un autre souvenir, celui de Jean-Baptiste Lafond, débarquant fier comme Artaban au volant d'une Porsche, ou du moins de ce qu'elle était en apparence. Un tour à bord comme passager entre deux portes du périph' et Franck conjure son ami… de la revendre immédiatement tant celle-ci était vrillée ! Eden Park s'est ensuite installée dans le dressing des gens qui aiment le plus universel des sports. Au rugby, il y a de la place pour chacun. Le petit gros qui fera un bon talonneur, le colosse de plus de deux mètres juste derrière lui ou le tout sec qui sprinte comme un puma (ah non, pardon, mauvaise analogie), qui cavale donc comme un coq prêt à manger un bouquet de roses. Allez donc demander à un entraîneur de foot de mettre un gosse avec de l'embonpoint attaquant.

J'aime bien ce qui a de la gueule, mais c'est plus sage que quelqu'un d'autre que moi s'occupe de l'entretien

Solide est la probabilité pour qu'il use le fond de son short… sur le banc. Avec le succès de l'enseigne et son réseau de distribution qui s'étoffe, l'argent rentre plus régulièrement sur le compte bancaire de ses dirigeants. Franck n'en oublie pas sa passion pour les belles choses motorisées. Nous avons tous nos repères culturels. Parmi les siens, la lecture d'une célèbre bande dessinée et de son fameux Joe Bar Team, ou encore une mythique scène cinématographique où le Capitaine Virgil Hilts (Steve McQueen -La grande Évasion) tente d'échapper aux Allemands à travers champs. Cette référence marquante sera plus tard réinterprétée et donnera lieu à la construction de cette moto sur base de BMW, véritable contre-pied référentiel puisque l'acteur, lui, roulait sur une Triumph piquée à un Allemand en tenue de SS ! Si les productions hollywoodiennes sont souvent sujettes aux effets spéciaux, cette Béhème fait particulièrement bien le sien. Elle a été réalisée par Philippe Renard qui est au guidon de l'atelier Motorace Eure situé entre Paris et Caen. « Franck a débarqué un jour en 2017 ou 2018 à l'atelier en me faisant part de son projet. Il avait une idée, une référence précise de ce qu'il voulait. Il a fourni la moto donneuse et je me suis mis au travail. »

Philippe est donc reparti d'un cadre mis à nu et a construit une nouvelle boucle arrière sur cette R80 datant d'avant la chute du mur… de Berlin. Quatre-vingts heures de travail seront nécessaires avant la livraison. Guidon et comodos sont remplacés, pneus à crampons montés, et le faisceau électrique est entièrement refait. La selle, elle, est souhaitée monoplace par le rugbyman mais avec la possibilité d'emporter un sac à dos et de coller un pouf passager. La touche finale en revient à la superbe peinture appliquée. Philippe dit : « J'avais pensé à un vert militaire mais c' était archi convenu et tellement déjà fait. J'ai su que Franck partait dans le Sud, la Drôme, où c'est bien plus sec, moins vert. J'ai donc opté pour un kaki plus léger, moins marqué. Le cadre prend un bon bain de barbouille époxy, le reste est recouvert d'un satiné standard ». Chandelle à suivre pour relancer plus avant notre conversation. Franck me parle de vitesse et de grand air comme des essentiels de vie au quotidien. S'il vit quelque part sur les hauteurs de Paname, sa propre grande évasion, il va la chercher dans la Drôme. Là, il peut enfin profiter du peu temps qu'il s'accorde avec les siens. Voler en hélico, faire grimper aux arbres son vieux BJ40 Toyota ou rouler fort avec sa moto. Il dit : « Avec cette passion pour la vitesse et la montée d'adrénaline, rester dans les règles, c'est l'enfer ».

À la sensation visuelle et émotionnelle, il ajoute que la dimension sonore participe elle aussi à l'ensemble. « Que tu entendes la sonorité du moteur d'un Spitfire, de la turbine d'un Bell J3 (Franck est pilote d'hélico, NDLR), d'un V8 de Mustang ou d'un deux-temps qui monte en régime, avec le bruit et les vibrations, même à seulement 10 0 km/h tu as l'impression d'aller vite. » L'envie de sensations fortes étant toujours à l'ordre du jour, il vient de récemment découvrir les joies du kitesurf. Bien sûr, vous aurez toujours les proches, les bienveillants qui tenteront de vous en dissuader, mais difficile de devenir quelqu'un d'autre lorsqu'on a vécu une carrière de sportif de haut niveau dans un club qui s'appelle… Racing !

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