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Un homme et une femme, 50 après

Modifié le Écrit par La Rédaction
Un homme et une femme
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La Mustang blanche n°184, dont la carrosserie est encore maculée de cinq jours de projections de neige sale écopée sur les routes du Rallye Monte-Carlo, vient d'enchaîner d'une seule traite le millier de kilomètres séparant la Principauté de la station normande de Deauville. A son volant, Jean-Louis Duroc avance jusqu' au bout de la digue surplombant la grève.

Je filme ainsi en direct comme un reporter

Il immobilise la Ford et en sort accompagné des “chabadabada-chabadabada” psalmodiés par Pierre Barouh et Nicole Croisille sur une musique de Francis Lai.

En contre-bas, il distingue trois silhouettes. Celles d'Anne et des deux enfants. Alors, il se précipite aux commandes de son bolide pour les rejoindre à toute allure. La voiture se gare sur la plage. Appels de phares. Retrouvailles nourries d'étreintes au rythme des mêmes “chabadabada-chabadabada”. La scène est mythique. La trame est simple. Un homme et une femme sont tous deux veufs. Script girl, Anne Gauthier (Anouk Aimée) vit dans l'admiration de son mari, cascadeur tué lors d'un tournage.

Pilote automobile rescapé d'un grave accident, Jean-Louis Duroc (Jean-Louis Trintignant) est hanté par le suicide de sa femme qui, cédant au désespoir car le croyant perdu, a mis fin à ses jours. L'un comme l'autre ont la trentaine et un enfant pensionnaire dans la même institution de Deauville. Un train de retour du dimanche soir manqué par Anne donne l'occasion à Jean-Louis de lui proposer de la reconduire par la route à Paris.

De non-dits en sous-entendus naît bientôt une tendre complicité. Un nouvel amour prend forme sur les ruines du souvenir. Le film est culte. L'originalité de Claude Lelouch est d'avoir su bousculer tous les codes du cinéma traditionnel de l'époque. Un tempo et un rendu très personnels, grâce à une caméra 35 mm perpétuellement en mouvement, une cohabitation de plans courts et de longs travellings, une alternance du noir et blanc et de la couleur... Au moment du tournage, le jeune réalisateur (tout juste 28 ans !) s'en expliquait dans le “making of ” de son premier long-métrage à succès : « C'est une histoire d'amour très spéciale parce qu'elle n'est pas racontée d'une façon logique. C'est la mi-temps d'un couple. (.../...) Ils ont un passé mais tout reste possible. On va donc tenir compte de ce passé pour savoir ce que sera le présent et, surtout, de quoi sera fait le futur. Ce qui va faire un film très découpé puisque l'on va arriver à presque 3 500 plans. Depuis un ou deux ans, grâce aux progrès de la pellicule, on arrive à faire une centaine de plans par jour. Pour moi, l'idéal est d'arriver à tourner un film dans le temps où l'action se passe réellement. Pour “Un homme et une femme' qui se déroule sur trois semaines, j'ai un plan de tournage d'un mois... Je filme donc pour ainsi dire en direct, comme un reporter.

L’autre vedette d’Un homme et une femme est cette fameuse Mustang

L'avantage est de mettre en boîte toute la spontanéité des premières prises. (.../...) En plus, je tiens moi-même la caméra, ce qui a pour effet d'éviter les répétitions et permet d'improviser. (.../...) Il a fallu reconstituer la pluie, le brouillard, le vent. Il faut qu'on sente le froid tout au long du film. C'est très important. Je crois que dans une histoire d'amour, plus il fait froid, plus on a envie que ça se réchauffe. « L'autre vedette de “Un homme et une femme” est, bien sûr, cette fameuse Ford Mustang.

Lien permettant au couple de se retrouver, de combler la distance qui empêche leurs étreintes, elle incarne non seulement l'urgence de vivre, mais constitue également le huis clos de tous les grands moments du dialogue entre Jean-Louis Duroc et Anne Gauthier, filmés à travers le pare-brise. En revanche, le réalisateur était à bord pour saisir, en immersion, les séquences vérité tournées sur les routes du Rallye Monte-Carlo après s'être sanglé dans le coffre de la voiture travelling sur l'autodrome parisien. « On tourne entre Paris et Deauville, mais aussi à Montlhéry et sur le Monte-Carlo, détaillait Lelouch dans le documentaire relatant le tournage. On a engagé une voiture pour de bon dans le rallye. Nous sommes trois à bord : Jean-Louis, Henri Chemin de chez Ford et moi. Cela va me permettre, pendant cinq jours et cinq nuits de filmer tout ce qui se passe sur le visage d'un pilote : la barbe qui pousse, la fatigue, les mille et une choses de la réalité d'une course... » Partie de Reims le 14 janvier 1966 avec le n°145 et engagée par Ford-France, la Mustang du trio avait, au départ de ce même itinéraire de concentration, un clone utilisé pour les plans extérieurs. Emmenée par l'équipage Greder-Delalande et portant le n° 184, la sœur jumelle animée d'un V8 de 4,7 litres développant 260 ch était engagée en compétition (Groupe 1, Tourisme de série).

Arrivé 11e à Monaco, “Titi” Greder et son coéquipier firent partie de la série d'exclusions prononcées après le contrôle technique d'arrivée par les commissaires qui sanctionnèrent une dizaine de concurrents, dont le vainqueur déchu Timo Mäkinen et sa Mini Cooper S. Tout aussi emblématique que la version Fastback utilisée par Steve McQueen dans “Bullit' ou la Mustang de Jean-Paul Belmondo dans “Le Marginal' la GT blanche immatriculée 1636 RR 75 fait toujours entendre le son rauque de son 8 cylindres dans les parades rétro toujours très en vogue. Grand amateur d'automobiles, Claude Lelouch était à son volant en janvier 2012 pour effectuer la 12e Traversée de Paris, manifestation dont il était le parrain, organisée par l'association de collectionneurs “Vincennes en anciennes'.

AH

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