Frank Loubaresse : prince sarment
Frank Loubaresse semble infatigable. La soixantaine fringante, l'homme d'affaires parisien spécialisé dans les fusions-acquisitions combine avec succès de multiples passions : l'auto, la moto, le vin (de la vigne à la table), la voile… avec un point d'ancrage, le Domaine Beauvence à Beaumont-de-Pertuis, dans le Luberon. Par Pierre Suze.

Frank Loubaresse cultive son Domaine Beauvence en agriculture biologique, alliant passion du vin, innovation et respect de la nature dans un cadre provençal unique.
Le Domaine Beauvence, c'est un peu le centre névralgique de tout ce qui fait vibrer Frank. Rien d'étonnant donc à le voir arriver chez lui sur une Moto Guzzi 750 V7 III Rough de 2020. La vivacité de l'engin à bas régime en fait un compagnon idéal pour arpenter les routes du Luberon et profiter de cet environnement incroyable.
« Pour faire de la moto, la région est top. Les routes sont magnifiques, il n'y a pas trop de monde et il fait toujours beau », confie-t-il avec un grand sourire. Si la V7 est un modèle iconique de la marque (elle a commencé sa carrière en équipant la police italienne à partir de 1967), la “Rough” est une série spéciale équipée de roues à rayons et de pneus à crampons qui lui procurent plus d'agilité, notamment dans les virages serrés. Perfetto !

Art de vivre et moteurs
On ne sera pas non plus surpris de croiser au Domaine quelques copains qui partagent les mêmes passions que lui, comme Vincent Parisot aujourd'hui, au volant d'une Alfa Romeo Spider, auto chérie des Alfisti dont Frank fait partie pour en avoir possédé une dans le passé. Il faut dire que la “Duetto” est iconique depuis qu'elle a pris la lumière entre les mains de Dustin Hoffman, un an à peine après sa sortie d'usine, dans le film Le Lauréat. Celle de Vincent est une 2.0 litres de 1982. Elle appartient à la deuxième génération des Spider, les “coda tronca”, nommés ainsi pour leur arrière coupé au couteau.
Les performances ne sont pas dingues (ses 133 chevaux lui permettent d'atteindre le 0 à 100 en 10,1 s et la vitesse maxi de 192 km/h), mais largement suffisantes pour lui permettre de sillonner le sud de l'Europe dans tous les sens. C'est donc dans cette propriété viticole, achetée en 2018 avec sa femme (la journaliste Carole Gaessler), que Frank Loubaresse passe le plus clair de son temps lorsqu'il n'est pas dans ses bureaux de la capitale. Le Domaine Beauvence, c'est la concrétisation d'un rêve qui remonte à l'enfance, lorsqu'il regardait son père ouvrir religieusement de belles bouteilles à la maison avec quelques amis.
Un projet plusieurs fois reporté pour cause d'agenda un peu serré, notamment au début des années 2000 alors qu'il endosse tout juste le rôle de jeune père. De quoi lui laisser le temps de mûrement réfléchir son cahier des charges pour se lancer dans cette aventure : une altitude suffisante pour faire face au réchauffement climatique ; un sol argilo-calcaire ; un vignoble assez grand pour être économiquement viable mais pas trop non plus pour éviter la mécanisation à outrance et pouvoir s'engager en agriculture biologique ; un prix raisonnable et un beau potentiel en terme de qualité.
Emblème du Domaine Beauvence, le chêne orne la propriété depuis plus de 400 ans.
Frank Loubaresse

Beauvence grand cru
Le Domaine Beauvence, 10 hectares situés à 400 mètres d'altitude, cochait toutes ces cases. Cerise sur le gâteau, la propriété compte 1 400 oliviers, permettant la production d'une huile d'olive AOP au fruité “vert” très apprécié des amateurs et de l'équipe d'acheteurs de La Grande Épicerie du Bon Marché où elle figure en bonne place. En à peine sept ans, le Domaine, dont les raisins étaient jusque-là vendus à la coopérative, est entré dans la cour des grands.Rien qu'en 2024, il a obtenu une pluie de médailles : notamment l'or au concours de Mâcon et l'argent au concours Decanter pour son rouge “L'Aparté” 2021.
Et, de fait, on trouve désormais ses bouteilles sur les meilleures tables de l'Hexagone. C'est le résultat somme toute logique d'un travail acharné, combiné avec des décisions judicieuses : l'arrachage des plants vieillissants, remplacés par d'autres plus qualitatifs, la recherche d'un rendement mesuré, le choix d'engrais naturels et d'un enherbement qui donne de meilleurs fruits, une équipe d'experts mus par une même philosophie et désireux de préserver la nature, un chai bioclimatique semi-enterré offrant une régulation thermique naturelle et une grande stabilité pour l'élevage (en barrique ou en amphore selon l'effet recherché) des vins...
Maintenant, Frank ambitionne de faire connaître plus largement son travail, de partager son amour de la vigne et du vin. Outre les dégustations à la propriété, il a mis en place, il y a quelques semaines, une formule aussi sympathique qu'innovante qui s'appelle “Votre barrique”. L'idée est de proposer à des amateurs de participer à la création de leur propre cuvée, soit en solo, soit à deux, soit à quatre. Dix barriques par an sont dédiées à ce projet. Les clients participent ainsi à un certain nombre d'activités sur place, en fonction de leur disponibilité : les vendanges, la vinification, l'assemblage avec l'œnologue du domaine, puis la mise en bouteille et la conception d'une étiquette personnalisée avant de se faire livrer leur vin.
« L'expérience est plus ou moins riche, complète. À ma connaissance, aucun domaine en France ne propose ça. Certains disent : “Vous repartez avec vos trois bouteilles”. Mais ce n'est pas la même chose. Nous, ce qu'on veut, c'est expliquer la vie d'un vigneron. Montrer comment on fait pour cirer une bouteille. Pour les amateurs de vin, c'est appréciable », précise Frank. Le concept semble séduire puisque cinq barriques ont déjà été achetées, dont une par une bande de copains qui voient là une belle occasion de se retrouver plusieurs fois par an, dans un contexte pour le moins agréable. Pour peu qu'ils s'y rendent au volant d'une belle ancienne et c'est le bonheur.

Mentionnés dans cet article
OU