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Bugatti 57G "tank" : voyage dans le Tank

Dans le vaste kaléidoscope des Bugatti Type 57, celle que l'on surnomme le Tank détonne avec son dessin à part, ses records du monde et son palmarès incroyable, couronné par une victoire aux 24 Heures du Mans. Par Étienne Raynaud.

Publié le Écrit par La Rédaction
Bugatti 57G "tank" : voyage dans le Tank
Photos Rémi Dargegen
Résumé

La Bugatti 57G "Tank" a marqué l'histoire automobile par ses records, sa victoire aux 24 Heures du Mans et son héritage unique dans l'univers Bugatti.

Sommaire
Couverture complète sur mise-en-avant

Moins connue que ses sœurs, les sublimes 57 Atalante avec leurs versions Sport S et rabaissée SC, la 57G “Tank” est remarquable à bien des égards. Son histoire commence début 1936. Les ingénieurs de Molsheim viennent alors de finaliser la mise au point d'une version course du huit cylindres de la Type 57S avec un vilebrequin plus léger qu'ils installent dans une auto à l'aérodynamique inhabituelle enveloppante, plus tard surnommée Tank, en hommage à la petite Type 32 Tank de 1923 en forme d'aile d'avion.

Quand le Grand Prix 1936 de l'Automobile Club de France, qui se court dans des villes différentes chaque année, annonce qu'il autorise les autos de grand tourisme, Bugatti prépare trois Type 57G. C'est le mulet aérodynamique qui remporte la victoire à Montlhéry avec une vitesse moyenne de 125,228 km/h tenue pendant un peu moins de huit heures. Une semaine plus tard, le mulet est aligné au Grand Prix de la Marne, à Reims, avec Jean-Pierre Wimille, et remporte une victoire éclatante à 140,245 km/h de moyenne.

Avant d'être exposée au Salon de l'Automobile à Paris, la Tank, pilotée par Robert Benoist et Pierre Veyron, de nouveau à Montlhéry, bat six records du monde, dont celui des 500 miles parcourus en 3 heures et 56 minutes, à une moyenne de 204,390 km/h. Sont aussi pulvérisés les records de vitesse sur 100 km, 100 miles, 200 km et le record de l'heure avec une vitesse moyenne de 217,941 km/h !

L’âge d’or de la 57G

Le pilote Roger Labric écrivit ainsi : « Tous les records existants ont été battus et tous les temps cités ci-dessus n'ont jamais été dépassés dans cette catégorie de records internationaux. » Il faudra attendre le 23 avril 1965 pour qu'une Shelby Cobra Daytona Coupé les batte ! L'histoire aurait pu s'arrêter là mais c'est l'année 1937 qui marque l'apogée de la 57G Tank avec une victoire aux 24 Heures du Mans. Pilotée par Jean-Pierre Wimille et Robert Benoist, cette auto est alors définitivement rentrée dans l'histoire.

Afin d'attester que c'est bien elle qui a aligné autant de records et de victoires, les historiens s'appuient sur les modifications de carrosserie qui la distinguent des deux autres exemplaires construits à l'époque. Les essais précompétition plus poussés de ce mulet expliqueraient aussi son avantage sur les deux autres 57G, sans compter l'affection que portait Ettore Bugatti à cette voiture. En 1939, une version plus élaborée de la Tank - connue sous le nom de Type 57C - remporte une nouvelle victoire au Mans

Malheureusement cette dernière auto est associée à un événement tragique, celui de l'accident mortel de Jean Bugatti, le fils d'Ettore, en août 1939, à trente ans seulement. Ingénieur mécanique, génial metteur au point et industriel, Jean est à l'origine de très grandes Bugatti. C'est en essayant la 57C entre Molsheim et Strasbourg qu'il fit sa tragique embardée. Ettore Bugatti ne s'en remit jamais. Afin de protéger la 57G vainqueur du Mans 1937, Ettore Bugatti la transfère à Bordeaux en 1940 aux côtés d'une autre 57SC remarquable, l'Atlantic, non sans abîmer le capot de la Tank en route.

L’épopée d’une Bugatti

C'est alors la seule survivante des trois 57G, la deuième étant perdue dès fin 1936 et l'autre - qui avait abandonné au Mans en 1937 - ayant également disparu en 1939 après des séances d'essais au Mans. Une fois la guerre terminée, le mulet fut restauré à l'usine Bugatti où un ouvrier peintre ajouta les noms de Benoist et Wimille sur les flancs. Puis le concessionnaire européen Jean de Dobeleer réussit à extraire la voiture de l'usine - allant à l'encontre de la politique de l'entreprise - avant de refuser de la restituer, ce qui entraîna de facto une rupture des relations avec Bugatti.

C'est alors que De Dobeleer cède la voiture à l'importateur américain Gene Cesari en 1961. En 1968, le colonel Eri Richardson convient de la vente de l'auto avec Cesari avant de se consacrer corps et âme à sa restauration. Peu fortuné au regard de l'importance de cette Bugatti, il se rend à trois reprises à Molsheim où il récupère le tachymètre d'origine, un carburateur Bugatti extrêmement rare, le refroidisseur d'huile et plusieurs autres pièces uniques qui n'auraient pu appartenir qu'au Type 57G encore existant.

Convaincu d'avoir acquis les pièces nécessaires au remontage d'une voiture entièrement d'origine - à l'exception du bloc -, Richardson s'est au final lancé dans une restauration méticuleuse, sans compromis sur l'originalité des pièces utilisées. Quand le Bugattiste Uwe Hucke lui présente une offre irrésistible, il cède l'auto.

Celle-ci est ensuite revendue au collectionneur français Nicolas Seydoux, également connu pour avoir acheté une des trois 57SC Atlantic existantes en 1977. Contre toute attente, il revend la 57G au fondateur du Simeone Foundation Automotive Museum, le regretté Fred Simeone, dans le cadre d'un échange partiel avec sa Ferrari 212 Touring Barchetta. Fred Simeone, dont l'impressionnante collection comprend nombre de chefs-d'œuvre automobiles, a fait de la Type 57G dite “Tank” son automobile favorite, celle qu'il garderait s'il ne devait en conserver qu'une seule.

Il a fait courir l'auto, non restaurée depuis les années 1960, au Goodwood Festival of Speed. Elle a également reçu un trophée spécial au concours d'élégance de Pebble Beach de 2023 dans le cadre de la commémoration du centenaire des 24 Heures du Mans. Cette auto extraordinaire et moins connue que nombre de Bugatti stars reste à coup sûr une pièce maîtresse dans l'incroyable histoire de Bugatti et de l'automobile en général.

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