Andaine Hervieu-Lepage & Cécile Ballon : la vie de château en Mini

Andaine Hervieu-Lepage et Cécile Ballon partagent le goût de la poésie et des road trips. La première est autrice, la seconde photographe, les deux sont passionnées de voyages, de patrimoine, et porteuses d'une certaine élégance. Comme le souligne Andaine : « On commence souvent par aller visiter ce qui est loin de chez nous. Ce road trip est l'occasion de se souvenir qu'il n'y a pas besoin d'aller loin pour découvrir énormément de choses, des gens, des paysages. »

Cet ouvrage de 208 pages, publié par les Éditions Nationale 13, est le quatrième opus d'une série rendue originale par le traitement poétique de ses textes, le soin apporté à l'image, et le fil rouge qui guide le lecteur tout au long de son aventure : un véhicule historique qui attire la sympathie.

Balade d’époque en Mini

On se rappelle la pimpante Fiat 500 jaune arpentant la Bretagne ; ici, il s'agit d'une vieille Mini Countryman, au charme très british, qui se prête à merveille au thème de ce voyage, comme nous l'explique Cécile : « Le choix de cette Mini matche parfaitement avec l'ambiance des lieux, elle est élégante et résonne avec l'architecture des châteaux. Elle donne tout de suite l'idée du road trip, appelle au voyage... Elle permet également de construire l'image, elle donne l' échelle. »

De son côté, Andaine a pris le volant : « Cette Mini demande d'anticiper les choses et de se battre un peu avec la boîte de vitesses, mais elle a apporté une atmosphère particulière à notre périple, un peu à la Harry Potter. Elle a un capital sympathie qui suscite les échanges. »

Ça tombe bien, le leitmotiv “châteaux et manoirs” a rythmé le périple de rencontres avec les propriétaires : « C'est intéressant de voir leurs démarches, souvent très différentes. Il y a celui qui a hérité du château et qui doit trouver des solutions pour le faire vivre, comme cette propriétaire qui a vécu dans son château depuis toute petite et qui fait tout pour le garder dans sa famille. Certains s'en sont porté acquéreurs pour en faire un lieu collectif, comme la permaculture, ou un lieu d' échanges. D'autres enfin vont jusqu'à restaurer leur château si fidèlement qu'ils figent l'ouvrage dans l'histoire. »

Andaine s'étend sur cette épopée, quasi médiévale, qui leur a fait découvrir le territoire d'une autre façon. Et puisqu'il n'y a pas de hasard, elle porte le nom d'une fée, celle du château de Gratot. Parmi les centaines de châteaux qui se cachent dans le Cotentin, les deux exploratrices en ont visité 28, dont 17 pour lesquels elles ont pu rencontrer les propriétaires.

Le travail de Cécile a consisté à valoriser la pierre afin d'éviter de tomber dans le cliché du château austère : « J'ai essayé d'apporter de la lumière sur les bâtisses, de travailler la chromie afin d'éviter un rendu trop gris ou à l'inverse trop vert normand. Jouer avec les hautes lumières, les ombres, permet de donner un petit côté mystique, une ambiance plus chaleureuse. »

Le livre a nécessité une diversité d'images, de formats, d'environnements pour témoigner de la richesse des paysages rencontrés, donner un rythme : « Il fallait éviter le côté redondant, ne pas montrer que de la pierre même si c' était le thème de notre périple. »

Carnet de route

La mission des deux amies s'est étalée sur un an, principalement au printemps et à l'automne pour éviter les touristes et offrir une ambiance particulière à l'ouvrage : « J'aime jouer avec un cadre dans le cadrage, un premier plan flou avec l'encadrement du pare-brise par exemple, une vue de la fenêtre ou de la porte, avec derrière le paysage qui se découvre, comme quand on est au volant avec le cadre du pare-brise devant les yeux. Il y avait des choses incontournables, comme le bureau d'Alexis de Tocqueville, avec tout le mobilier d'époque, une pièce de caractère. Mais j'ai eu carte blanche. J'y suis allée sans trop me renseigner sur nos arrêts en amont, afin de découvrir l'endroit avec un œil neuf, me laisser surprendre, m'inspirer de l'ambiance du moment. »

Cécile nous parle de la plume d'Andaine, qu'elle apprécie pour l'accompagnement poétique qu'elle apporte à ses photos. L'autrice nous explique les coulisses de son écriture : « Il y avait la partie “road trip” et la partie “entretiens avec les propriétaires”. Je prenais des notes en parlant avec eux, notais mes impressions, des anecdotes, une lumière qui joue sur un mur, le temps qu'il faisait. Ça me permet de restituer plus tard l'âme des châteaux. »

Andaine, qui est diplômée d'un master en lettres modernes, nous parle aussi de sa passion pour les lettres, de ses inspirations : « Je trouve qu'il y a quelque chose de très poétique dans la nature, dans le voyage, dans l'exploration. Le Cotentin s'y prête beaucoup. Les châteaux sont mêlés au territoire, ils sont construits à partir de matériaux extraits à quelques kilomètres de là. Ils appartiennent à l'histoire et la façonnent aussi. Il y a un aspect contemplatif à s'y perdre, un peu à la croisée de l'espace et du temps, une plongée dans le passé avec des propriétaires qui nous ramènent dans le présent, tout s'entremêle. C'est un beau voyage. »

La nature sauvage du Cotentin a quelque chose des paysages écossais.