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Yannick Dalmas : Fast and serious

Discret mais redoutable, Yannick Dalmas revient sur une carrière marquée par l’endurance, les choix forts et ses victoires. Par Claude de La Chapelle.

Modifié le Écrit par La Rédaction
Yannick Dalmas : Fast and serious
photos Damien Lorrai et DPPI
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Après quelques tours de roues dans les collines environnant la maison familiale du Var, Yannick Dalmas fait rimer adolescence avec enduro, affrontant, huit heures par jour, la boue, la caillasse, la poussière. « C'était dur, mais je n' étais pas du genre à baisser les bras, par respect pour mes parents et pour l'importateur Fantic qui m'accordait sa confiance. Je me battais comme un lion avec une obsession : rallier l'arrivée»

Déjà, les valeurs qui formeront le socle de sa carrière, comme un code d'honneur : le goût de l'effort, le respect de la parole donnée, la reconnaissance, la fidélité et la victoire partagée. En 1977, à Mussidan, sur les 500 pilotes au départ, 30 seulement terminent la course. Parmi eux, Yannick, le seul en 50 cc ! La même année, à Mende, il pousse sa Fantic sur six kilomètres et arrache une 4e place ! Avec son statut de pilote officiel, Yannick obtient deux places de vice-champion de France en 50 et une 3e place en 125.

Premiers pas en enduro et moto

Ce sont pourtant des posters de champions automobiles qui tapissent les murs de sa chambre, notamment celui de François Cevert qu'il croise en 1973 dans le paddock du Grand Prix de France, un moment de grâce qu'il garde en mémoire. N'ayant rien raté, en voisin, de la construction du circuit du Castellet inauguré en 1970, Yannick observe du bord de la piste la trajectoire des bolides, s'imprégnant durablement de ce sport mécanique qu'il aborde au début des années 80, au moment où il se casse deux fois le bras en un mois.

De quoi changer de registre sans regrets, via l'opération “Marlboro cherche un pilote” qu'il gagne au volant d'une Ford XR3. Une victoire qui lui ouvre une potentielle carrière. Elle débute par la Formule Renault, en 1983, grâce au budget Marlboro et à l'indéfectible soutien paternel, sur la Martini du team Oreca. Après une 3e place finale, avec trois victoires dont celle de Croix-en-Ternois où il s'élance de la dernière position, il rempile pour affiner son art et s'imposer avec éclat, s'octroyant six victoires en 1984. Toujours sous la houlette d'Hugues de Chaunac, il aborde alors la F3 où il est vice-champion en 1985 dans le sillage de Pierre-Henri Raphanel - « j'ai manqué de maturité pour l'emporter » - tout en s'imposant à Monaco, l'épreuve phare de la saison.

En 1986, il double la mise en F3, remporte six des onze courses et devient champion de France devant Jean Alesi. L'étape suivante, c'est la F3000, mais en 1987, les choses vont s'accélérer. Toujours au sein du team Oreca, sur une March Cosworth, Yannick s'octroie une pole et deux victoires, se classant 5e du Championnat tout en débutant en F1 chez Larousse lors du Grand Prix du Mexique, alors qu'il était de coutume d'effectuer deux saisons en F3000. À cette époque, nombreux sont les observateurs qui voient en Yannick Dalmas le nouveau Alain Prost.

En trois courses, il se qualifie trois fois et accroche une 5e place en Australie, performance qui ne sera pas validée, la deuxième Lola engagée par l'écurie n'ayant pas effectué toute la saison. Qu'importe, Yannick est dans la place et il a Philippe Alliot comme coéquipier en 1988 sur la Lola dotée du Ford Cosworth V8. Mauvaise pioche : faute de budget, par manque de tests d'intersaison, la monoplace n'est pas compétitive, et malgré une 7e place à Monaco et Detroit, Yannick ne fait pas de miracle, l'année où son père a hypothéqué une partie de ses biens pour financer son entrée dans la cour des grands.

Yannick Dalmas : Fast and serious
photos Damien Lorrai et DPPI

Débuts chez Peugeot

En 1989, la Lola-Larousse bénéficiant du moteur V12 Lamborghini, Yannick visait une belle saison. À cette époque, Jean Todt le contacte pour lui proposer le volant de la Peugeot 905 en Sport-Prototypes. « J'aurais pu rester chez AGS, on était bien payés, c' était une petite équipe avec une ambiance familiale, j'étais serein et confortable, les mécanos s'arrachaient et en retour, je donnais tout, je me défonçais ! Je suis très reconnaissant à AGS de cette période, on a vraiment fait le job. » Des regrets sur ce passage en F1 ponctué de 24 GP ?

« J'aurais eu la possibilité de signer chez March en 1988, mais il aurait fallu que je déménage en Grande-Bretagne, j'avais un peu peur car mon anglais était nul, je n' étais intellectuellement pas prêt à sortir de ma zone de confort. » En acceptant la proposition de Jean Todt, Yannick découvre, en 1991, une nouvelle dimension, un grand constructeur français, avec dix fois plus d'effectifs qu'AGS, une attente du public forte et une visibilité importante. Aux côtés de son coéquipier Keke Rosberg, Yannick prend ses marques.

« Ma philosophie, c'était de bien appréhender et comprendre l'auto, d'être le plus fin possible, bien ressentir le grip des pneus, gérer la consommation, être confortable dans l'habitacle fermé, ce qui était nouveau pour moi. On pouvait perdre trois litres d' eau par relais quand la température atteignait les 50-55 °. C'est là que ta préparation physique te sauve. Il faut être très affûté. À cette époque, je faisais un minimum de deux heures de sport par jour. Plus tu es préparé mieux la course se déroule. L'objectif est de rester concentré pour aligner des temps au tour dans les mêmes dixièmes. »

Les débuts de la Peugeot 905 sont laborieux, elle réclame une mise au point, mais le duo Dalmas-Rosberg gagne en Championnat du monde, à Magny-Cours et Mexico, le succès n'étant pas au rendez-vous aux 24 Heures du Mans où les deux 905 abandonnent. 1992 marque la formidable saison de Yannick, désormais associé à Derek Warwick. « On s'est entendus comme des frères avec Derek qui avait perdu son véritable frère, Paul, dans un accident en F3000 en juillet 1991. On qualifiait l'auto à tour de rôle et on gagne à Silverstone, Suzuka et aux 24 Heures du Mans, avec Mark Blundell, en obtenant les titres de champion du monde pilotes et constructeurs. »

Entre pluie et gloire au Mans

Les années se suivent et ne se ressemblent pas. En 1993, Peugeot ne s'aligne que sur les 24 Heures du Mans où la marque réalise le doublé. Yannick est sur la deuxième marche du podium, avec Teo Fabi et Thierry Boutsen, tout en participant au Championnat de Supertourisme sur une Peugeot 405, sans prendre de plaisir, comme ce sera le cas plus tard en DTM sur l'Opel Calibra du team Joest. La saison suivante, en 1994, c'est sur une Porsche Dauer 962 LM que Yannick obtient son deuxième succès aux 24 Heures du Mans associé à Hurley Haywood et Mauro Baldi, tout en effectuant deux piges en F1 pour Larousse. « Cela m'a conforté dans mon choix de ne plus refaire de F1. » En 1995, Yannick est contacté pour piloter la McLaren F1 aux 24 Heures du Mans.

« J'avais demandé une simulation et des tests. On a pallié les petits défauts comme la commande par câble de la boîte qui se déformait et prenait du jeu, du coup, on la graissait à tous les pit stops. On a roulé 20 heures sous la pluie, une horreur, ce fut terrible. Michelin resculptait en permanence les pneus. On se faisait dix à quinze chaleurs par tour à cause de l'aquaplaning. JJ Letho a dû faire trois tête-à-queue, je me suis fait un gros 180 sans rien toucher, notre pilote japonais Masanori Sekiya aussi. On ménageait l'auto en essayant d'aller vite, la pluie était notre alliée pour imposer une GT face aux protos. On doublait les relais, c' était épuisant en concentration, il ne fallait pas lutter avec la McLaren, mais l'accompagner. »

Une victoire mémorable tout comme la quatrième en 1999 sur la BMW V12 LMR à châssis Williams où, relégué au rang de deuxième équipage au départ, Yannick, associé à Pierluigi Martini et Joachim Winkelhock, a dû imposer, contre le team, sa stratégie, avec sagesse, ménageant la mécanique malgré un rythme digne de la F1 et profitant des erreurs des autres avant de hausser le ton en fin de course, surclassant l'équipage BMW désigné favori - Kristensen-Letho-Muller - mais qui sort de la piste, pour in fine l'emporter sur la Toyota, victime d'une crevaison. Quatre victoires sur quatre marques et dans quatre teams différents, c'est inédit.

Yannick, réservé et modeste, offrant une autre facette de sa personnalité en piste par le brio et l'intelligence de son pilotage, roulera encore aux 24 Heures du Mans, avec Oreca en 2000 et 2001 avant de finir avec les Japonais du team Goh, accrochant une 7e place sur une Audi R8 en 2002. Depuis dix ans, Yannick, pour le compte de la FIA, dans un rôle de Driver Advisor, conseille la direction de course et les stewards du Championnat du monde d'Endurance (WEC), se faisant l'avocat des pilotes pour analyser les faits de course afin que les pénalités infligées soient les plus justes possible. Et inutile de lui raconter des histoires, il connaît la musique...

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