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Laurent Taha : La vie sans complication

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Quand tu es Suisse, forcément, tu vis dans un monde de montres. Avec son accent genevois joliment traînant et guilleret, Laurent Taha, 47 ans, se sent à l'aise pour parler de tout. Cigares, chronographes, vitesse... Tant que cela déclenche en lui la sirène de ses passions tranquilles. L'homme est un hédoniste et l'assume totalement : « Je ne me lève jamais avant onze heures du matin. Je suis une vraie marmotte. Mes amis m'appellent “El Perezoso”. Il faut que j'aie mes huit heures de sommeil minimum pour pouvoir être en forme. » Paresseux, Laurent Taha ? Il y a dix ans de cela, ce courtier en assurances lâchait tout - compagne y compris - pour se lancer dans une aventure azimutée : créer sa propre marque de cigares. Le temps s'est écoulé. Depuis, les Skull 77, à la bague singulière à tête de T-800, l'exosquelette de la saga Terminator, ont conquis le palais des aficionados. « Le Volcano, notre figurado, a même été très bien noté par le magazine L 'Amateur de cigare » sourit l'intéressé. Il accepte avec plaisir ces lauriers. Sans pour autant s'en contenter : « 2024 a été une année de croissance. Là, je travaille sur le petit dernier de la gamme Le Cinquième Élément. C'est une belle aventure qui se poursuit. »

« J'avais 20 ans, je me suis acheté une montre. Une Omega, celle de James Bond, la Seamaster. Je la porte toujours aujourd'hui. »

Une Corum en cadeau

« J'ai perdu ma maman très tôt. À sa mort, elle m'a légué un petit pécule. » Pour Laurent Taha, le temps est une option. Diffus dans les volutes d'un Skull 77, voilà qu'il philosophe : « Dans le monde du cigare, tout est décalé.

Tant mieux : je suis quelqu'un qui ne vit pas avec un réveil. » Son goût des montres, il le cultive donc depuis sa jeunesse.

Son père, pourtant loin du milieu de l'horlogerie, lui fait rencontrer Franck Muller en 2004. Entre l'aspirant courtier et le manufacturier de La Chaux-de-fonds naît une solide amitié. « C'est lui qui m'a offert la Corum Bubble Skull, se souvient-il avec enthousiasme. Il se l' était achetée pour lui et avait essayé de la porter. Mais Franck, la tête de mort, il l'assumait très mal. Il a fini par me la donner. Moi, ce modèle me convient absolument : décalé, bling-bling mais pas trop, lourd d'amour et de conséquences. » Devenu créateur de cigares appréciés de tous, Laurent Taha continue de cultiver son goût pour les beaux objets, qu'ils soient automatiques à son poignet ou rugissants à quatre roues. Acheteur plus réfléchi que compulsif, sa boussole reste son unique plaisir.

Jusqu'à avouer maîtriser mal l'idée de thésauriser. Lui qui a du nez pour le mélange de ses cigares - le sacro-saint triptyque cape, sous-cape et tripe - l'a visiblement moins pour la revente de ses tocades. Un exemple ? « À 29 ans, j'ai voulu m'acheter ma première Porsche. J'avais le choix entre trois modèles à prix équivalent : une 993 magnifique, une 964 turbo et une Boxster S. J'ai opté pour cette dernière que j'ai finalement très mal revendue après de très bons moments passés avec.

Par contre, les deux autres modèles sont depuis devenus des collectors. Je n'ai jamais su acheter pour faire du fric. »

« Pour moi, le temps est devenu une notion toute relative. Je m'en fous un peu. Jamais je ne serai “le plus riche du cimetière”. »

Vivre pour le meilleur

Laurent Taha cite ses modèles de cœur : la Rolex Daytona, la Audemars Piguet Royal Oak Offshore T3, la Big Bang MECA-10 King Gold de Hublot (il glisse : « J'ai eu la chance de croiser Jean-Claude Biver, personnage dont j'aime beaucoup l'audace »)... Sa préférée ? « Ça change » répond-il posément. « Je peux aussi ne pas en porter du tout. Je n'ai pas vraiment la pression du temps. » Du champ à la boutique, il faut environ 125 jours pour créer un bon cigare.

Et donc savoir faire preuve de patience, de maîtrise de ses ambitions. De quoi tirer toutes latitudes à rêveries. Chez lui, le mot fait tilt : « En parlant de rêve... » Il raconte un déjeuner à Cannes, il y a 3 ans, au restaurant La Gugérite : « J'étais avec un ami représentant de marques horlogères à Saint-Barth dont Richard Mille principalement. Je n'avais jamais vraiment été convaincu par Richard Mille jusqu'au jour où j'ai essayé une de ses créations. J'ai trouvé ça élégant, sexy.

J'ai aussi un ami, Yvan Arpa, qui imagine des montres très belles, très techniques... Alors, la montre de mes rêves, je ne sais pas ! » Voilà qu'il donnerait sa langue au chat comme d'autres leur âme au diable. Beau diable, Laurent Taha l'est, qui conclut son portrait sur une note à la fois émouvante et gonflée : « J'ai perdu ma mère étant gamin. Très jeunes aussi, un cousin et une petite cousine que j'aimais. Alors, pour moi, le temps est devenu une notion toute relative. En fait, je m'en fous un peu. Jamais je ne serai “le plus riche du cimetière”. Aujourd'hui, l'important, c'est de vivre heureux. Et de sa passion, c'est-à-dire pour moi les cigares. C'est ça le luxe ultime dans la vie. »

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