S'abonner

Pierre Hermé : Le goût de la précision

Publié le Écrit par La Rédaction
Pierre Hermé
© François Darmigny
Couverture complète sur mise-en-avant

Paris, janvier 2024. À deux pas du parc Monceau, nous franchissons le seuil de l'univers de Pierre Hermé. Il règne, dans l'hôtel particulier qui accueille ses bureaux depuis des années, une ambiance élégante, imprégnée du charme discret du quartier.

En cette saison de la galette des rois, l'air est empreint d'effluves de frangipane tiède… À travers une porte entrouverte, nous entendons les murmures des conversations et le cliquetis des ustensiles provenant du laboratoire. Pierre Hermé nous reçoit à l'étage dans son bureau. Une bibliothèque regorgeant de livres de pâtisserie et de magazines sur l'horlogerie témoigne de la passion du maître des lieux pour ces deux arts. « Qu'est-ce qui vous a attiré dans le monde des montres ? », c'est la question qui lance notre échange.

Le menton posé sur les poings, Pierre Hermé, calmement, révèle l'attrait irrésistible qu'exerce sur lui la symbiose entre esthétique et fonctionnalité. « C'est l'un des rares bijoux que peuvent porter les hommes. C'est aussi un objet qui est utile pour un pâtissier comme moi. La montre mesure le temps dans mon métier. Tout est une question de temps. Temps de cuisson, temps de préparation, temps de mélange… » dit-il avant d'ajouter : « La montre est un objet précieux au sens noble du terme. J'avoue que j'ai commencé à m'intéresser à cet univers grâce à des amis passionnés… Et, rapidement, le virus m'a piqué. Avec le temps, je me rends compte que les montres représentent pour moi l'ultime fusion entre l'art et la technologie. Elles allient la beauté du design à la perfection des mouvements horlogers. Pour moi cet équilibre est fascinant. » À la fatidique question : « Quelle est sa marque horlogère préférée ? », le chef offre une réponse nuancée, qui reflète son appréciation pour la diversité des créations. « J'en ai plusieurs… plutôt ciblées sur des modèles. J'aime bien celle que je porte aujourd'hui, la Fifty Fathoms de Blancpain. J'aime aussi beaucoup la Rolex Daytona, le modèle ancien qui est aujourd'hui très prisé. J'ai eu la chance de pouvoir l'acheter il y a quelques années avant que les prix ne flambent vraiment ! Et dans mon panthéon, il y a évidemment l'Omega Speedmaster et la Code 11.59 d'Audemars Piguet. » L'air rêveur, toujours de sa voix calme, Pierre Hermé précise : « L'Omega Speedmaster transcende les époques et les frontières de l'espace. » Avec un sens du détail qui laisse songeur, il nous partage ses réflexions sur son design emblématique. Les yeux mi-clos, il la dessine mentalement dans l'espace, décrivant son cadran, sa lunette tachymétrique.

Tout est une question de temps dans mon métier. Temps de cuisson, temps de préparation, temps de mélange…

Et tout en en soulignant l'élégance parfaite, le chef s'émerveille du calibre de l'Omega 1861, un chef-d'œuvre d'ingénierie qui garantit une précision et une fiabilité inégalées. « Et savoir qu'elle a été testée et approuvé lors des missions spatiales de la NASA ajoute à sa désirabilité… Cette aura de confiance et de robustesse fait d'elle la montre préférée des explorateurs du monde entier. » Pour autant, notre explorateur du goût et des nouvelles saveurs souligne que s'il devait n'en choisir qu'une, sans hésitation, ce serait la Blancpain qu'il porte au poignet.

« C'est un modèle des années 50 qui a été réédité il y a une petite vingtaine d'années. J'ai été séduit par son style. Pour moi, c'est une montre qui incarne l'harmonie parfaite entre tradition et innovation. » Délicatement, il la pose sur son bureau. « Regardez comme elle captive par sa beauté sobre et sophistiquée. » Il penche la tête et, pour mieux nous expliquer, approche son index du boîtier « d'un diamètre parfaitement équilibré, reflétant la lumière d'une manière unique, créant un effet visuel saisissant. Et les fines aiguilles… quelle pureté. »

Et, quand on lui demande quelle montre il a mis le plus de temps à acquérir, il répond sans la moindre hésitation : la Rolex Paul Newman. Il évoque ce moment avec émotion : « C'est un souvenir inoubliable. J'ai longtemps attendu cette montre… Ah, la Rolex de la fin des années 50, la Paul Newman... C'est toute une histoire. Je la désirais ardemment, mais je la trouvais toujours hors de portée. .. Et puis, un jour, au Japon, où les passionnés de montres vintage sont nombreux, je l'ai dénichée chez un revendeur spécialisé. Il m'a fallu convaincre le vendeur pendant près d'une heure avant qu'il accepte de me la vendre. Mais ça en valait la peine ! Je suis conscient de la chance que j'ai eue, car beaucoup de mes amis sont encore sur liste d'attente. .. Posséder une Rolex Daytona Paul Newman, c'est bien plus que simplement avoir une montre au poignet. C'est posséder un morceau d'histoire, un symbole intemporel de style et de performance. Tout comme porter l'Omega Speedmaster me fait voyager dans la conquête de l'espace, porter ma Daytona Paul Newman ne me laisse pas insensible… » Pierre est interrompu dans son voyage par l'un de ses collaborateurs qui lui demande de valider la photo de son dernier chef-d'œuvre : le gâteau “Paradoxe”. Il examine attentivement le cliché avec la précision d'un horloger. Le temps semble suspendu. Puis, d'un simple signe de tête, il donne son accord. Dans ce rare moment, Pierre Hermé nous dévoile un secret de ce nouveau délice, disponible à la vente depuis peu. « C' est une fusion surprenante entre tradition et innovation. Pour ce gâteau au chocolat, j'ai intégré de la sauce soja non pasteurisée déshydratée pour remplacer le sel... » C'est tout ce que nous saurons sur “Paradoxe”...

Le temps file et nous sommes impatients de connaître les critères esthétiques de Pierre Hermé pour le choix d'une montre. « C'est très subjectif , avoue-t-il, car je trouve que chaque pièce possède une beauté unique. Reprenons par exemple la Speedmaster : en dehors de son incroyable voyage sur la Lune, elle est parfaitement adaptée à toutes les occasions. Elle apporte une touche de sophistication à chaque tenue. Mais laissez-moi vous parler avec passion de la Code 11.59 qui symbolise pour moi la fusion entre les complications horlogères et les modèles extraplats d'Audemars Piguet. Son architecture mêle audacieusement le rond et l'octogone dans ce calibre extraplat. Son nom, un peu mystérieux : Code 11.59… L'acronyme Code traduisait Challenge, Own, Dare, Evolve pour la marque et 11.59, c'est pour marquer la dernière minute avant un nouveau jour. .. N'est-ce pas magique ? » Pierre Hermé, passionné de montres, affiche clairement son intérêt pour cet univers. Cependant, une question demeure : est-il collectionneur ? « Non, je ne suis pas un collectionneur en tant que tel, je hais l'idée de la collection. Ce n'est pas dans le but de constituer une collection, ni pour des motivations spéculatives , répond-il. J'aime plutôt faire des découvertes. Je m'appuie sur mon réseau d'amis passionnés et je consulte des magazines spécialisés comme le vôtre. Et lorsque je découvre une pièce qui m'interpelle... je m'y intéresse. Mon processus de sélection est aussi méticuleux que celui de la sélection des ingrédients pour la création des pâtisseries de la Maison. » Il jette un regard furtif sur sa montre. Pour nous, le temps semble s'être figé... mais pour le chef, le tourbillon des activités ne s'arrête jamais.

Nous prenons congé et quelques instants après, alors que nous déambulons le long d'une avenue parisienne, nous réalisons que la gourmandise n'est pas un péché et qu'au contraire, c'est comme le temps : on n'en a jamais assez...

Mentionnés dans cet article

Écrit par La Rédaction
Partagez cet article partout

Dernières news sur mise-en-avant

Frank Huyghe : en apesanteur

Frank Huyghe : en apesanteur

La marque française indépendante Ralf Tech a réussi à passer des profondeurs océaniques à l'infini de l'espace. Personne ne l'attendait là-haut. C'est pourtant Ralf Tech, spécialiste de la plongée, qui décroche une collaboration avec le CNES et réalise la première montre française de l'espace ! Par Carine Lœillet.

Charles Caudrelier, la brise de la cinquentaine

Charles Caudrelier, la brise de la cinquentaine 

Après sa victoire sur la Route du Rhum, le skipper vient de remporter l'Arkea Ultim Challenge Brest, nouvelle course en solitaire autour du monde. Le Finistérien au CV bien trempé a conquis la planète avant de s'imposer en France. Par Xavier de Fournoux.

Heroin Purr riding : road strip

Heroin Purr riding : road strip 

Libre, indépendante, équipée en série d’une bonne dose de sensualité et, en option, d’un pack badass : voici Jacquie. Créatrice de contenu moto sous le pseudo Purr Riding, Jacquie c’est un peu Thelma et Louise à elle seule. Une femme authentique qui se met à nu dans Moto Heroes pour démontrer que tout est possible. Par Ethan Valentin.

Vincent Ipslanti : les chevaux du plaisir

Vincent Ipslanti : les chevaux du plaisir 

Si l'on fait exception du cheval, sur le capot ou sur la fesse, ces deux voitures, la Ford Mustang et la Ferrari 348, ont autant de similarités qu'un hamburger et des tagliatelles. Leur point commun en réalité est un homme de passion aux multiples casquettes. Par Ethan Valentin.

Bellini yacht : una nuova vita

Bellini yacht : una nuova vita

Né en 1960, ce chantier installé en face de Riva a développé une identité originale, construisant ses propres modèles en bois verni et restaurant ceux de son prestigieux voisin. Après des années de transition, voyant le fils Bellini succéder à son père, le chantier de Clusane relance aujourd'hui une nouvelle gamme de prestige. Par Philippe Leblond.

Julien Roucheteau : devoir de réserve

Julien Roucheteau : devoir de réserve

Prendre des risques, parfaire, sublimer un produit, atteindre des sommets, recommencer. Y aurait-il quelques analogies entre gastronomie et moto ? Le temps d'une interview, Julien Roucheteau, Meilleur Ouvrier de France et chef étoilé de La Table des Rois, nous donne des éléments de réponse. Par Arnaud Choisy.

Couverture complète sur mise-en-avant >

Sur le même sujet

Frank Huyghe : en apesanteur

Frank Huyghe : en apesanteur

La marque française indépendante Ralf Tech a réussi à passer des profondeurs océaniques à l'infini de l'espace. Personne ne l'attendait là-haut. C'est pourtant Ralf Tech, spécialiste de la plongée, qui décroche une collaboration avec le CNES et réalise la première montre française de l'espace ! Par Carine Lœillet.

Rolex Comex : joyau d'abysses

Rolex Comex : joyau d'abysses

Référence absolue pour les connaisseurs des montres de plongée, les Rolex COMEX s'arrachent à prix d'or. Pour la première fois de son histoire, l'entreprise marseillaise d'ingénierie maritime, d'ordinaire ultra-secrète, nous a ouvert ses portes et dissipe les mystères qui entourent ces précieuses montres. Par Frédéric Brun.

Laurent Grasso x Bulgari : la tête dans les nuages

Laurent Grasso x Bulgari : la tête dans les nuages

Entre art contemporain et haute horlogerie, Bulgari s'associe à Laurent Grasso pour réinventer son emblématique montre Octo Finissimo. Une collaboration où le temps devient matière à création. Par Camille Bois-Martin.

Du côté de Paris : L'heure Paname

Du côté de Paris : L'heure Paname

Si la place Vendôme et la rue de la Paix abritent les plus grandes maisons, la Ville Lumière regorge d'autres adresses où l'horlogerie est pensée, façonnée et mise en… lumière ! a rencontré les acteurs qui donnent à Paris son supplément d'âme et ce fameux “je-ne-sais-quoi” dans l'univers de la montre. Par Marine Ulrich.

Novak Djokovic : Hublot au filet

Novak Djokovic : Hublot au filet

Le joueur de tennis le plus titré de l'histoire en Grand Chelem, champion olympique à Paris, a développé avec Hublot un composite fabriqué à partir de ses raquettes et des polos qu'il a portés lors de son homérique saison 2023. Djokovic, de passage à Paris pour son lancement, est revenu sur la genèse de cette montre limitée à 100 modèles. Par Arnaud Ramsay.

Renaud Capuçon : Complications & partitions

Renaud Capuçon : Complications & partitions

Renaud Capuçon se livre avec simplicité sur sa passion méconnue pour les montres. Des Swatch de son adolescence aux pièces iconiques, il raconte comment le temps l’accompagne depuis toujours. Par Jean-Pascal Grosso.