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Carlo Giordanetti : L'homme de l'art

Publié le Écrit par Mamy Yves Ratsimbazafy
Carlo Giordanetti
© Fred Merz & DR
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Carlo Giordanetti est un jongleur. Avec des dizaines de références nouvelles présentées chaque année par Swatch, il passe sans cesse d'un domaine à un autre et enchaîne des projets aussi divers que la Swatch “What If”, hypothèse au carré du modèle d'origine, revue dans de nouvelles couleurs pastel pour le printemps, ou la MoonSwatch édition “Mission to Moonshine Gold”, nouvel opus de la collaboration à succès avec Omega. Visiblement, ce foisonnement simultané de concepts le stimule. S'il y a bien un domaine qui lui tient particulièrement à cœur dans tout cela, c'est tout le volet des collaborations artistiques de Swatch. « Depuis le lancement de la première Swatch, en 1983, et jusqu'à aujourd'hui, ce sont environ 15 000 modèles différents qui ont été présentés. Swatch est une entreprise capable de travailler très vite et sur de très grands volumes. Cela implique une certaine rationalité. L'intervention des artistes est une bulle d'oxygène » souligne Carlo Giordanetti. Mieux qu'une respiration, c'est à ses yeux un pas de côté salutaire.

Il se révélera vite statutaire. « Le fondateur de Swatch, monsieur Hayek, avait eu, très tôt, l'intuition que l'artiste pouvait donner des titres de noblesse à cette montre qui était une provocation dans le monde de l'horlogerie suisse, du fait de sa composition en plastique » analyse le créatif qui n'oublie pas sa formation en marketing, lors de ses études à Milan et dans ses premières responsabilités chez Piaggio. L'histoire d'amour entre la marque suisse et l'art remonte à 1985, avec la première pièce baptisée Swatch Art Special, éditée à seulement 140 exemplaires et dont le cadran imaginé par Kiki Picasso s'arroge le titre de “plus petite toile du monde”. L'année suivante, c'est au tour du turbulent Keith Haring, figure du Street Art en pleine expansion, d'entrer dans la danse en interprétant à sa manière le cadran. Il faut attendre 1991 pour que ce soit toute la montre, et non plus seulement le cadran, qui se fasse œuvre avec les créations extravagantes d'Alfred Hofkunst. « Ses trois Art Specials uniques se vendent sur les marchés de légumes en Suisse, en Autriche et en Italie tout en faisant le buzz dans les médias » rappelle la marque.

Un cosmopolitisme artistique qui n'est pas pour déplaire à Carlo Giordanetti. S'il reçoit ses visiteurs à Bienne, dans son bureau aux références multiples, entre le siège social de Swatch et l'imposant musée de la marque, dont le bâtiment au cœur de la Cité du Temps Nicolas G. Hayek a été érigé par l'architecte japonais Shigeru Ban, Carlo Giordanetti a posé ses valises un peu partout dans le monde, de Milan et Paris à Zurich ou Florence, en passant par Hambourg lorsqu'il était à la tête de la création chez Montblanc entre 2007 et 2012, année où il revient chez Swatch. En 1992, Sam Francis s'empare d'un modèle transparent pour le peindre. Le rêve de mettre l'art sur tous les poignets est concrétisé.

Avec Annie Leibovitz, en 1992, la collection s'ouvre à une nouvelle discipline. À New York, au tournant de l'an 2000, Carlo Giordanetti rencontre David Lachapelle : « À l'époque, c'était un provocateur dans son langage et par sa façon de vivre. Si nous avions encore des barrières, il les a bien bousculées. » Pour Swatch, le photographe imagine des pièces très audacieuses, mêlant symbolisme et art érotique. Osé. Jean-Charles de Castelbajac ou Renzo Piano répondent aussi présents à l'appel. Car, si de nombreux artistes rêvent aujourd'hui de travailler avec Swatch et le font savoir, Carlo Giordanetti, en charge de ces projets très spéciaux, est formel : les collaborations se font toujours à l'initiative de la maison suisse. Désormais, outre les interventions d'artistes contemporains, la gamme des montres artistiques s'est étoffée de collections pensées avec des institutions culturelles et des musées. Dans ce cas, ce sont des chefs-d'œuvre majeurs qui sont réinterprétés sur des montres. Après le MoMa, le Centre Pompidou et le château de Versailles, mais aussi le Rijksmuseum d'Amsterdam, le musée Thyssen de Madrid ou la Galerie des Offices de Florence entre autres, c'est désormais au tour de la Tate Modern de Londres de prendre part à ce voyage de l'imaginaire baptisé Swatch Art Journey.

Depuis le lancement de la première Swatch en 1983, ce sont environ 15 000 modèles différents qui ont été présentés

« Swatch fait un chemin avec les artistes et à côté des artistes » souligne le directeur de la création pour mieux expliquer cette double démarche qui procède d'une volonté de décomplexer le lien quotidien avec l'art. La récente collaboration avec la Fondation Magritte en donne une preuve qui n'a rien de surréaliste. Toujours en quête d'idées nouvelles, Carlo Giordanetti a joué un rôle clef dans la création du Swatch Art Peace Hotel de Shanghai, une résidence d'artistes qui tient autant du laboratoire d'innovation que du bouillon de culture. Convaincu que « les artistes ont la capacité à avoir un temps d'avance sur leur époque », il n'exclut jamais d'explorer de nouvelles formes créatives. Pourquoi pas celle de la gastronomie ? Fin gourmet et passionné de cuisine, il n'aurait rien contre une Swatch imaginée par Cédric Grolet. Le message est passé.

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