S'abonner

George Graham : La crème anglaise

Publié le Écrit par Mamy Yves Ratsimbazafy
George Graham
© DR
Couverture complète sur mise-en-avant

La marque Graham, toujours active et indépendante, est aujourd'hui implantée dans des locaux à l'entrée de la ville de La Chaux-de-Fonds, dans le canton de Neuchâtel, en Suisse. Comme pour la marque Arnold & Son elle a fait partie du groupe horloger “les Monts SA” fondé par Éric Loth et Max Imgrüth qui regroupait six maîtres qu'étaient George Graham (1695), John Arnold & Son (1764) et Thomas Tompion (1671) sous la dénomination The British Master in Timekeeping. Structurée autour de la même philosophie de base, la nouvelle entité devait créer, fabriquer et distribuer des produits de luxe, innovants, fiables et compétitifs, en cohérence avec les réalisations passées, mais aussi en accord avec les besoins des marchés internationaux. Les premières réalisations de cette Maison anglaise d'origine ont été présentées aux professionnels de la distribution en 1996, lors de la Foire de Bâle, et se lançaient en 1997.

Restée indépendante après le rachat partiel par Citizen de la société “les Monts SA”, l'entité continue depuis de proposer une collection riche de garde-temps aux graphismes pour la plupart originaux avec, toujours, la couronne à gauche. Dans le cas du Chronofighter, l'instrument est aisément repérable grâce à son mécanisme très particulier d'enclenchement de la fonction de départ et d'arrêt de mesure des temps courts. Mais ce choix est logique car il renvoie à l'histoire du fondateur dont la plupart des amateurs ne savent pas grand-chose. Pour y remédier, voici en quelques lignes ce qu'il semble essentiel de savoir sur cet homme à la fois génial et visionnaire.

Aux sources de l'inspiration

Les amateurs un peu férus d'histoire et de technique associent le nom de George Graham à celui de l'échappement pour horloges de son invention et le tiennent pour l'inventeur du chronographe. Enfin, d'un instrument capable de mesurer, avec une certaine précision, des événements de courte durée. Pourtant, l'histoire de cet inventeur ne se limite pas à ces seuls faits. À l'analyse, elle se révèle même riche d'enseignements dépassant le cadre de l'horlogerie. En son temps, cet homme, brillant horloger et astronome averti, est né à Gratwick (Cumberland, Angleterre) le 7 juillet 1673 (ou 1675) dans un milieu modeste de Quakers. Il est très tôt remarqué par le clergé local pour son intelligence hors norme et sa prédisposition aux travaux manuels.

Pour cette raison, il est orienté vers le métier d'horloger alors en plein essor depuis l'invention par Christiaan Huygens du spiral en 1675 qui offrait aux montres considérées alors comme des bijoux cinétiques de devenir de véritables instruments scientifiques de précision. Ainsi, George Graham quittait, à 13 ans, sa famille et sa région d'origine pour se rendre à Londres, y apprendre son futur métier qu'aucun membre de sa famille ne semble avoir précédemment pratiqué. Le jeune adolescent, à peine arrivé à la capitale, intégra l'atelier du célèbre maître Henry Aske chez qui il resta les sept années d'apprentissage. Aimant les mathématiques, la géométrie et l'algèbre, George Graham devait ensuite intégrer l'atelier d'horlogerie de Thomas Tompion, alors au faîte de sa notoriété (actif de 1671 à 1713).

La confluence de deux talents

En l'embauchant, Tompion savait que le jeune homme n'apprendrait pas simplement l'habileté d'un horloger à l'établi, mais le soin et l'adresse fondamentale nécessaires à un mécanicien scientifique sans cesse à la recherche de la perfection. Le garçon, a peine entré à son service, ne devait pas le décevoir et il se mit à réaliser d'innombrables merveilles horlogères. En 1713 au décès de Tompion il reprit la boutique où il est dit qu'il mit au point en 1715 l'échappement à ancre pour pendules qui porte aujourd'hui son nom. Seulement, il semble qu'il n'en soit pas l'auteur, mais que l'invention soit celle de Richard Townley en 1675. En 1720, il inventa un type d'instrument permettant de calculer les temps courts et fut reçu comme auditeur à la Royal Society. Pour cette invention, l'histoire a fait de lui le premier inventeur de ce que l'on appellera plus tard le chronographe Honorifique, ce statut confirma cet homme parmi les aristocrates du savoir.

Après des années de labeur, il présenta en 1726 un pendule révolutionnaire au mercure, lui aussi toujours d'actualité. En homme méticuleux, il ne manqua pas d'ajouter à son balancier une vis micrométrique pour le tarage fin des pendules. Ce dernier objet, bien insignifiant en première analyse, devait avoir des usages insoupçonnés et George Graham devait s'en faire l'un des grands spécialistes dans le domaine astronomique essentiellement. Homme de l'art, il devait prendre entre 1730 et 1738 un jeune apprenti qui se révéla d'un grand talent. En effet, Thomas Mudge s'inscrit dans la lignée du maître. Il développa un échappement pour montres de poche, inspiré de l'ancre pour horloges utilisé par Graham en 1754 (mais lui-même utilisé pour la première fois seulement en 1769).

L'artiste astronome

On notera que l'ingénieux et méthodique artisan, « dont l'intelligence est au service de l'action et de la réalisation » comme cela fut dit à l'époque, ne fit aucune démarche pour protéger ses découvertes d'une éventuelle copie ou utilisation par un tiers. Homme de science avant la lettre, il offrait au monde sa solution pour permettre de faire gagner aux hommes des années dans la recherche. Passionné d'astronomie, il se fit connaître en produisant un nombre considérable d'instruments pour ses pairs et il se spécialisa dans le magnétisme terrestre.

Convaincu que la longitude pouvait être calculée par des horloges, il alloua sur ses deniers personnels une somme de 200 £ à John Harrison lorsqu'il lui présenta ses travaux sur la pendule marine H1, en 1730. Homme rigoureux et intègre, il soutint Harrison et se pencha dès 1733 sur l'étude de l'influence de la longueur du pendule sur la marche d'une horloge en différents points du globe et entraîner les horlogers à réfléchir aux aberrations inhérentes à l'attraction universelle. Apprécié de tous, George Graham décéda en 1751 et fut enterré à l'abbaye de Westminster à côté de son mentor, Thomas Tompion.

Mentionnés dans cet article

Partagez cet article partout

Dernières news sur mise-en-avant

Bugatti 57G "tank" : voyage dans le Tank

Bugatti 57G "tank" : voyage dans le Tank

Dans le vaste kaléidoscope des Bugatti Type 57, celle que l'on surnomme le Tank détonne avec son dessin à part, ses records du monde et son palmarès incroyable, couronné par une victoire aux 24 Heures du Mans. Par Étienne Raynaud.

Du côté de Lille : chti'time 

Du côté de Lille : chti'time 

Petit tour de cadran dans la capitale des Flandres. Même si l'on n'y crée pas de montres, horlogers, amateurs et collectionneurs trouvent toujours de quoi se réchauffer le cœur sous un ciel bas de légende. Alors, haut les chronographes ! De notre envoyé spécial Jean-Pascal Grosso.

Nicolas Casano : pêche en “no kill”

Nicolas Casano : pêche en “no kill”

La pêche au “broumé”. C'est de cette technique ancestrale de sa région que l'Héraultais, champion de France en titre de pêche au thon, est passé maître. Il nous a conviés pour une petite démonstration, prêt à batailler avec ce poisson qu'il qualifie de “divin”. Par Philippe Leblond.

Road burner garage : agent double

Road burner garage : agent double

Road Burner Garage manie toujours l'art de la préparation avec élégance. Lorsque l'inspiration vient de la DB5 de James Bond, on parle alors de majesté. Par Jean-François Muguet.

Auto union Schnellsportwagen : formule 1 berline

Auto union Schnellsportwagen : formule 1 berline

Le département “Tradition” d'Audi a eu l'excellente idée de donner vie à un projet délirant que les ingénieurs de Porsche avaient esquissé il y a 90 ans… mais qu'ils n'avaient jamais pu concrétiser. Ils voulaient tout simplement mettre sur la route la machine la plus démoniaque jamais imaginée. Par Serge Bellu.

Philippe Bas : bonne gueule, bonne heure

Philippe Bas : bonne gueule, bonne heure

Philippe Bas, acteur à succès, prend une pause pour se recentrer, évoquant sa passion pour les montres liées à ses rôles et son amour du sport et de la vie simple. Par Jean-Pascal Grosso.

Couverture complète sur mise-en-avant >

Sur le même sujet

Du côté de Lille : chti'time 

Du côté de Lille : chti'time 

Petit tour de cadran dans la capitale des Flandres. Même si l'on n'y crée pas de montres, horlogers, amateurs et collectionneurs trouvent toujours de quoi se réchauffer le cœur sous un ciel bas de légende. Alors, haut les chronographes ! De notre envoyé spécial Jean-Pascal Grosso.

Philippe Bas : bonne gueule, bonne heure

Philippe Bas : bonne gueule, bonne heure

Philippe Bas, acteur à succès, prend une pause pour se recentrer, évoquant sa passion pour les montres liées à ses rôles et son amour du sport et de la vie simple. Par Jean-Pascal Grosso.

March LA.B x La Joux-Perret : French flair

March LA.B x La Joux-Perret : French flair

Cocorico ! Depuis 2022, la maison française d'horlogerie équipe ses montres d'un mouvement constitué de composants suisses, mais assemblés dans l'atelier d'Humbert-Droz, situé à Besançon. Une première mondiale pour une entente de ce genre. Par Arthur Frydman.

HYT x Fally Ipupa : quand la musique est bonne

HYT x Fally Ipupa : quand la musique est bonne

Fally Ipupa, artiste incontesté de la scène africaine, est récemment devenu ambassadeur de la marque de haute horlogerie HYT. Une rencontre entre deux protagonistes qui repoussent chacun les limites de leur art. Par Marine Ulrich.

ZRC & Sebastien Bouilllet

ZRC & Sebastien Bouilllet

ZRC célèbre cette année ses 120 ans avec goût. La maison a en effet signé un partenariat avec l'un des chefs pâtissiers les plus en vue du moment, Sébastien Bouillet. Dans un esprit cool-chic, il ne quitte plus ses montres ZRC qu'il a choisies au sein de la collection Grands Fonds. Par Hervé Borne.

Olivier Jonquet : le carillon de Tarascon

Olivier Jonquet : le carillon de Tarascon

Au pied de la Collégiale Sainte-Marthe, à Tarascon en Provence, sous les voûtes médiévales de la rue des halles où se trouvent aussi un luthier et une grande librairie, se cache derrière une façade jaune canari un original amateur de montres devenu horloger professionnel. Par Thierry de Boulbon