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Julien Dupont : Le trial poétique

Publié le Écrit par La Rédaction
Julien Dupont : Le trial poétique
© David Marvier
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Salut Julien ! On a shooté à Lyon, tu nous as montré ta ville, on a fait la fête, parlé de ce que tu aimes, de ta famille, de Red Bull, d’art et de moto. Raconte-nous le sac à dos avec toi bébé dedans, tes premiers tours de roue jusqu’à ce que tu t’envoles et que tu emportes avec toi le trial, loin sur la planète Dupont. » Julien se marre et commence par son enfance très chouette, raconte maman qui s’occupait de ses deux gosses, papa qui prend une si grande place dans sa vie, qui l’emmenait sur sa Bultaco alors qu’il était âgé d’à peine 6 mois. De beaux souvenirs en montagne ou en 4 x 4 à dormir à l’arrache. « J’étais hyperactif. Mes parents m’inscrivaient à tous les sports imaginables pour me fatiguer : escrime, basket, foot, spéléo, d’où je me suis fait virer quand, parti seul dans une grotte, on m’a cherché pendant 1 h 30 ! » Trialiste confirmé, papa participait à des compètes régionales autour de Lyon. Gilles lâchait le p’tit Julien sur la place du village et partait avec ses potes grimper des rochers. Lui, il suivait le fléchage sur son petit vélo, se tapait les 50 bornes d’interzones et rentrait épuisé mais heureux. « J’avais 7 ou 8 ans tu vois et parfois je me retrouvais à 20 bornes du village, seul sans une bouteille d’eau ! C’est comme ça que j’ai découvert la discipline. » Une genèse à l’ancienne. Puis vinrent les premiers tours de roues sur la 125 TY de maman et la 250 TY de papa. Ce dernier insistait pour qu’il passe d’abord par la case vélo. Un tantinet trop dilettante à l’école, il lui fallait mériter sa moto ! Il s'acharna, entra en équipe de France, participa aux mondiaux et performa sur des événements qui lui permirent de remplir son livret A. À 12 ans, il achète sa première GasGas ! « J'avais accumulé tant de frustration que j'ai vite progressé. J'ai une facilité de reproduction visuelle qui m'a vachement aidé. La FFM m'a proposé d'entrer en équipe de France Trial, véritable aubaine pour mes parents, mes principaux sponsors ! » En sport-études au CREPS d'Aix, Julien roulait avec les espoirs du motocross devenus des légendes - comme Éric Sorby -, entraîné par le triple champion du monde Thierry Michaud. Le programme était simple : cours le matin et sport l'après-midi. « À l'époque, je voyais la ville comme un immense terrain de jeu, le mobilier urbain comme un obstacle. »

Dans cette structure de haut niveau il participa 6 années durant à un max de championnats, voyageant énormément. Mais Julien en voulait plus. « Le trial est un sport assez fermé qui a perdu beaucoup de sa popularité. Dans les années 8 0, on voyait des couv' sur Moto Verte, mais le cross et l'enduro, plus fun, l'ont supplanté. Le niveau a considérablement augmenté, le rendant inaccessible. Un amateur peut s'offrir une motocross “McGrath replica”, les tenues d'époque, se faire griller trois merguez, mettre les gaz et s'amuser. Mais en trial, tu ne vas pas te procurer la dernière Montesa 4RT et te prendre pour Tony Bou ! » Vers 1996-97, le phénomène du sport extrême débarque avec les premières vidéos cross de “Crusty Demons” et “Terrafirma”. « Les gars sautaient dans les dunes en lâchant les mains, organisaient des fêtes gigantesques pleines de nanas ! D'un coup, j'en ai eu marre des “parcs pilotes”. Tu sais, j'ai été champion de France et parmi les 7 meilleurs Français en mondial junior, mais je n'arrivais qu'aux pieds des podiums. Je n'avais pas le mental pour gravir les derniers échelons, ceux qui demandent tant de sacrifices. Je voulais croquer la vie à pleines dents et du glamour ! » La suite s'est faite naturellement, il arrête la compétition, mais n'aurait jamais pu envisager vivre ce qui va suivre. « À l'époque, je voyais la ville comme un immense terrain de jeu. Le mobilier urbain comme un obstacle. Un soir, je reçois un coup de fil de l'orga du Salon du 2 Roues qui me demande si je fais des shows trial. “Ouais, bien sûr !” réponds-je. “On veut un truc qui ait de la gueule. ” “ Un back flip à moto ? ” “ Sans déc ? C'est génial ! ” » Évidemment, Julien n'a rien, et il n'a jamais réalisé de back flip. Il a 3 mois pour créer une structure et enchaîner la rotation, sans bac à mousse, sans pote qui connaît un mec qui connaît un mec qui rentre le trick. « J'ai acheté un châssis de caravane dans un camp de gens du voyage et négocié avec un ferrailleur pour souder la rampe. L'inconnue, c'était l'angle. J'ai construit un truc super raide à 90 ° ! » Notre jeune téméraire s'entraîne alors dans un club où on lui construit un kicker, très raide aussi. Il tergiverse, hésite, flippe. Fond de 3 ou fond de 4 ? Et le corps ? Et la tête ?

Puis un jour, il prend son élan. « C'est comme sauter d'une falaise. Plus tu réfléchis, plus tu stresses. Mais j'adore ce sentiment. Puis il faut dégoupiller. » Il se pulvérise., casse moto et poignet, persévère dans la douleur. Sur une centaine de tentatives, il ne replaquera qu'à 2 reprises sa moto. La veille du show, il modifie sa remorque une ultime fois. Que la peinture sèche sur l'autoroute ! Stressé le garçon ? « Bah ! Tu sais comment ça marche ! T'as un public surmotivé, le speaker, c'était le feu et c'est passé crème ! » Cette performance historique le propulse au devant de la scène. « C'est comme sauter d'une falaise. Plus tu réfléchis, plus tu stresses. Mais j'adore ce sentiment, ces picotements dans le ventre. » Nombre d'organisateurs veulent eux aussi leur back flip : Julien saute dans un avion, enchaîne un wheeling et deux tricks et rentre. Mais comme souvent, l'euphorie des premiers instants retombe et le téléphone se tait. Julien fait alors la rencontre d'un cameraman auquel il conte son engouement pour l'architecture lyonnaise, sa manière de l'aborder par un trial très “street”. Conquis, ce dernier lui propose de le filmer. Nous sommes en 2006, le streaming entre dans nos vies. Le film atteint des millions de vues et se classe 3e aux YouTube Awards de New York. Arte l'appelle pour un reportage dans Tracks. Red Bull Suisse se pointe. « On t'a vu dans Tracks. On a adoré ! On veut te rencontrer. » Le courant passe super bien et il devient ainsi l'un de leurs pilotes officiels. La marque de boisson énergisante distribue des fiches athlètes à ses antennes à travers le monde puis chacun propose ses projets, toujours un peu plus fous. Julien parcourt ainsi le globe, d'exploit en exploit, envoyant des tricks toujours plus hauts, sur le sommet de montagnes russes mexicaines, jusqu'en Roumanie pour un looping vertigineux dans le métro, l'Afrique du Sud, les États-Unis, les Philippines, le Japon, la Russie... On en revient à l'histoire du premier back flip, tout était expérimental et presque toujours illégal, avec une sérieuse prise de risque. Le sport extrême était alors très trash, souvent dangereux, c'était la mode. Et lui arrive pile à ce moment. « En 2020, on est partis pour un dernier projet qui restera sûrement l'une de mes plus belles expériences : les favelas de Rio. On était logés dans le plus bel hôtel d'Ipanema, mais on restait avec les locaux, les enfants et les acteurs du film La Cité de Dieu. Ah oui ! On s'est aussi retrouvés avec DiCaprio à LA, où j'ai doublé Stallone sur le film Expendables 3. C'était vraiment cool ! » L'époque change et ses contrats arrivent à expiration. Sur un front flip, c'est le crash de trop et Julien se fait une jolie double fracture d'une vertèbre. Il se fracasse aussi un talon, perdant 60 % de la mobilité d'un pied.

Après plus d'une centaine de vidéos et 11 ans de folie, il sent qu'il est temps de passer à autre chose. Entouré de sa communauté de potes, comme Christophe Bruand, Yannick Granieri, Kenny Thomas (et bien d'autres) ainsi que par une bonne partie de la scène street lyonnaise, il lance RideTheWorld. Une marque qui promouvait des talents, avec ligne de sapes, soirées et shows de trial. « Le COVID s'est pointé avec ses restrictions et j'ai eu des distensions liées à une association maladroite, j'ai quitté la boîte qui a fermé depuis. » Authentique épicurien, Julien qui souhaitait partager son univers lance “Trial Experience”, une agence freeride dédiée à l'exploration, au dépassement de soi, aux bonnes tables et aux nuits atypiques. Après des démêlés avec l'ONF de Maurienne, l'aventure finira aux Deux-Alpes. « J'ai eu la chance de vivre une sacrée expérience en doublant Stallone et ses potes sur le tournage de » « Aujourd'hui, j'ai ma boîte de prod, “RT W Entertainment”. Je produis des films pubs, fruit de mes 20 ans d'expérience vidéo. Entouré d'une solide équipe, on shoote des images de qualité pour des marques. Ce ne sont encore que les balbutiements, mais sort très bientôt mon premier film tourné avec Triumph : The Good And The Bad. » Julien ne souhaite plus envisager la moto comme sa principale ressource, mais a toujours envie de brûler la vie par les deux bouts et de continuer à rouler comme son père, son mentor, qui lui n'a jamais lâché !

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