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La Brigade Fluviale : Seine de crime

Modifié le Écrit par La Rédaction
La brigade fluviale : Seine de crime
© Patrick Fouque/Starface & DR
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Paris, dès potron-minet. En cette grise journée d'hiver, un vent glacial et une pluie incessante animent une capitale encore bien déserte. Il fait froid. Très froid même. Moment choisi par les téméraires plongeurs de la Brigade fluviale pour réaliser un entraînement sur une Seine encore endormie. Mission : intercepter un fugitif qui a sauté dans le fleuve parisien. Sous la surveillance de policiers embarqués à bord de semi-rigides Capelli, de jeunes recrues n'hésitent pas à plonger dans une eau à 6 °, bravant le courant du fleuve et l'obscurité avec une audace indomptable. Nous voilà en leur compagnie à quelques encablures seulement du quai Saint-Bernard dans le Ve arrondissement de Paris, près de la gare d'Austerlitz. C'est le fief de la Brigade fluviale. À flot, il accueille les bureaux, les embarcations, les véhicules et toute la logistique de cette unité de la police souvent méconnue. La Brigade fluviale a été créée en 1900, à l'occasion de l'Exposition Universelle, par un certain Louis Lépine, le célèbre préfet à l'origine du concours qui porte son nom. But de l'institution ? Veiller à l'application des règlements en matière de navigation, assurer la police des ports et des berges et porter assistance aux personnes en difficulté sur les bords du fleuve. « Avant cette institution, plusieurs essais de sauvetage ont eu lieu sur la Seine, notamment avec l'utilisation de chiens. Quand, par mégarde, quelqu'un tombait dans la Seine, le policier jetait un doudou à l'eau en direction de la victime pour que le canidé récupère cette personne en difficulté. Mais cela n'a pas fonctionné », explique Sophie Malherbe, à la tête de la Brigade fluviale de la Préfecture de Police de Paris depuis plus de trois ans. Au départ, cette institution ne devait être que temporaire mais finalement elle s'imposera dans la Ville Lumière, grâce notamment aux compétences de ses agents. Lors de la grande crue de 1910 à Paris, la Fluviale, réunissant alors une quarantaine de fonctionnaires, démontra de nouveau ses aptitudes en matière de secours aux personnes. Au fil du temps, les missions de la Brigade fluviale vont se multiplier et les effectifs grossir avant d'intégrer récemment la Direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC). Aujourd'hui, les rôles attribués à cette brigade sont variés. « La Brigade fluviale offre l'image du beau gosse naviguant l'été plein gaz, cheveux au vent, lunettes de soleil sur le nez, teint halé, biceps saillants, tatouages apparents et qui fait coucou à toutes les personnes qui lézardent sur les quais de Seine. C'est une vision éloignée de la vérité », concède celle qui dirige un effectif d'une centaine de personnes, composé notamment de plongeurs, sauveteurs, mécaniciens ou officiers de police. Leur zone de compétence est large. Elle comprend Paris intra-muros mais aussi la Petite et la Grande Couronnes, « soit un territoire francilien représentant environ douze millions d'habitants aussi bien sur les fleuves, les rivières, les canaux que sur n'importe quel plan d'eau où l'on peut intervenir », nous détaille le commandant divisionnaire.

Comment intégrer cette unité ? « Il y a deux voies d'accès, explique notre fonctionnaire. La Brigade fluviale a été créée en 1900, à l'occasion de l'Exposition Universelle, par un certain Louis Lépine. La première, pour devenir plongeur ou sauveteur, consiste en un concours comportant des épreuves en piscine avec de la nage, du matelotage, un jury puis des épreuves théoriques comprenant notamment la réglementation fluviale. Une fois sélectionnés, ces agents intègrent la Brigade fluviale avec une formation de trois mois. Tous ne disposent pas forcément de qualifications nautiques comme des diplômes de nageur ou le permis bateau. Ils profiteront alors d'une période de trois mois pour se former. » La seconde voie de recrutement est plus large et s'adresse à des profils différents. « Nous n'avons pas besoin forcément de fonctionnaires qui se jettent à l'eau, le sauvetage n' étant qu'une facette de notre métier. Il faut redonner à cette brigade l'idée du métier de policier, dans un milieu atypique. Cette filière nous a permis, en deux ans, de recruter quelque vingt personnes », précise Sophie Malherbe. Sur le fleuve parisien, on va suivre Dimitri qui arrive de la Brigade criminelle ou encore Joris, un jeune flic issu d'une compagnie d'intervention. À l'écoute de leurs instructeurs, ils s'entraînent à manœuvrer un bateau ou à récupérer un plongeur dans la Seine. Côté missions, les hommes et femmes en uniformes se chargent de faire respecter la réglementation fluviale aussi bien auprès des bateaux-mouches que des péniches ou des embarcations privées, mais la plus connue demeure celle du “secours à la personne”. Un rôle partagé dans la capitale avec la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) qui prend toujours le commandement des opérations. « Dans le cas extrême où une victime coule, la première heure est capitale, ce sont les pompiers qui interviennent. Puis, les hommes en rouge vont se désengager au profit de la Fluviale qui continuera par exemple à chercher un corps à la demande de l'Officier de police judiciaire (OPJ) », explique Sophie Malherbe. Si l'été dernier a été relativement calme, « la piétonnisation des quais de la Seine a multiplié le nombre d'interventions pour récupérer des fêtards tombés dans le fleuve » reconnaît-elle. Autre mission : le travail des plongeurs en matière de police judiciaire. À la tête d'un effectif d'environ 24 hommes-grenouilles, le major Nicolas Leclerc, instructeur et chef de la cellule plongée, raconte : « Nous pouvons être sollicités pour remonter un conducteur tombé au volant de sa voiture dans le fleuve, la recherche d'une arme ou d'un objet au moment d'une interpellation. Il y a quelques mois, nous avons été appelés par des collègues policiers pour récupérer un sac jeté au fond du canal par un suspect en fuite. À l'intérieur, nous avons découvert des sachets de cocaïne ! » Moins “glamour”, la brigade fluviale intervient aussi en matière de police dite technique et scientifique. Les statistiques font froid dans le dos et sont dignes d'un épisode des Experts. En moyenne, l'institution interviendrait sur une cinquantaine de cadavres par an, entre les chutes qui finissent mal, les suicides et les homicides. Tous secteurs confondus et pas seulement sur la Seine. Le rôle alors des plongeurs ? « Nous sommes sollicités pour remonter un conducteur tombé dans le fleuve ou rechercher une arme au moment d'une interpellation. »

« S'assurer en premier lieu qu'il s'agit bien d'un être humain car parfois ce sont de fausses alertes ! » reconnaît un membre de la brigade fluviale. Aguerris à ce genre d'exercice, ces “hommes-grenouilles” doivent rechercher les membres d'un corps humain et des preuves qui serviront à l'enquête. « En fonction des demandes de l'OPJ, on effectuera des prélèvements d'eau, de sédiments ou encore on pourra photographier la scène du crime dans un milieu hostile et des eaux troubles. » En hiver, le travail est délicat, les opérations se font plus rares mais plus techniques et risquées : « La température du fleuve peut tomber à 1 °. Parfois la visibilité ne dépasse pas 5 centimètres, vous ne voyez même plus votre masque », nous détaille un autre plongeur-instructeur. Avec la saison estivale et les nouveaux aménagements dans la capitale, l'activité des plongeurs de la Fluviale évolue. « Depuis plusieurs années, la Seine est mise en avant, c'est l'âme de Paris. Les voies sur berges sont fréquentées par les piétons, il y a de plus en plus d' établissements flottants, des animations, du monde sur les quais. L'été, cela représente des dizaines de milliers de personnes et la navigation connaît un essor », reconnaît le chef de la cellule plongée. Inversement, les brigades nautiques sont appelées sur des interventions plus légères. Les policiers de la Fluviale regorgent d'anecdotes. On évoque le cas des chiens tombés à l'eau, qui n'arrivent pas à remonter à bord des péniches. « Un jour, nous avons été sollicités par une association de pêcheurs qui avait vu un bébé cygne avec un hameçon coincé dans son bec. Normalement ce n'est pas notre rôle mais nous ne voulions pas laisser l'oiseau comme ça !, raconte notre commandant divisionnaire qui avoue bénéficier d'une excellente image auprès du public. Après trente ans de police, je crois que c'est le seul service où l'on continue à nous saluer tous les jours lorsque nous passons sur la Seine. » Une attitude probablement liée à leurs nombreuses missions de secours et d'assistance. Lors des crues, la brigade fluviale intervient aussi en “maraude” pour évacuer les sans domicile fixe installés sous les ponts ou sur les quais de Seine. En période estivale, l'institution est mobilisée aussi pour sécuriser les biens des riverains du fleuve via l'Opération Tranquillité Vacances. « Tous les jours, on patrouille, on fait le tour des bateaux, des péniches et des commerces des bords de Seine pour vérifier qu'il n'y a pas eu d'effraction », raconte un policier. Pour les JO Paris 2024, pas de changements à l'horizon. Les effectifs comme les matériels restent à l'identique. Seule évolution, des plaisanciers qui s'improvisent capitaines sans forcément détenir les autorisations réglementaires pour le transport payant de passagers dans la Ville Lumière. Ce serait lucratif à l'occasion des JO. « C'est dangereux et prohibé par la loi si vous n'avez pas les autorisations nécessaires », prévient la brigade. À la veille de l'événement, les équipes de la Fluviale continuent à s'entraîner. Pilotage de puissants bateaux à moteur, plongées, exercices physiques, utilisation de robots subaquatiques ou de sonars, entraînements avec des unités spécialisées sont le quotidien de cette police du fleuve qui jouera un rôle majeur lors de la cérémonie officielle d'ouverture le 26 juillet à Paris. « Un jour, nous avons été sollicités par une association de pêcheurs qui avait vu un bébé cygne avec un hameçon coincé dans son bec. »

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