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Indonésie : Boue du monde

Publié le Écrit par La Rédaction
Indonésie : Boue du monde
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Dans un pays où la mobilité s'inscrit dans les gènes depuis la plus tendre enfance, la maîtrise d'un deux-roues est une seconde nature. Les Indonésiens sont passionnés par les sports mécaniques en général et pratiquent assidûment le motocross, l'enduro et le 4 x 4. On peut dire qu'ils aiment le matos mais avec une philosophie toute asiatique. Et c'est un peu par hasard, grâce au bouche-à-oreille, qu'il a été possible d'organiser une belle journée de balade pour un groupe de cinq copains vivant à Jakarta. Avec pour dénominateur commun la passion de la moto et l'envie de vivre un beau moment de partage. « Nous nous faisons déposer par des types sur des bécanes improbables avec des physiques de sumos. » Départ de Jakarta au petit matin, unes des villes les plus bondées et polluées au monde. En route vers la nature et des paysages de mi-montagne à couper le souffle. Et en plus, nous respirerons de l'air frais. Que demande le peuple ? Arrivés sur place, le choix des motos s'engage. Trois jeunes “padawans” impatients d'en découdre avec la vieille garde dont je fais partie sont tout excités devant leurs montures : des KTM 250. Les quiquagénaires turbulents, courageux mais pas téméraires, s'orientent vers une chouette petite bécane en rapport avec leur niveau de pilotage : une Honda CRF 150. Vient ensuite le choix de l'équipement. Enfin choix, c'est vite dit. Tu chausses du 42. Eh ben, ce sera une paire de bottes en 45. Elles sont trempées. T'inquiète pas, tu comprendras dans une petite heure. Le casque te serre un peu la tête ? Tu ne vas pas faire ta mijaurée ! La moto ne freine pas. Il n'y a que les lâches qui freinent mon bon ami. Le team enduro prend enfin le départ après ces tergiversations.

Sortie de la ville et déjà notre première difficulté : traverser une rivière d'une trentaine de mètres de large. On ne fait pas les malins, on écoute l'accompagnateur, bien en appui sur les cale-pieds, ça passe sans trop de difficultés. Le retour sera beaucoup plus épique, le niveau de l'eau et le courant s'étant renforcés. Charmant euphémisme. Au fait, j'ai oublié de vous préciser que notre sortie s'est faite en pleine saison des pluies. Les moins courageux dont je fais partie ont tenté de reporter l'affaire dans les jours précédents. Sans obtenir gain de cause auprès de notre maître de cérémonie, Stan. Il est intransigeant Stan ! Mais c'est un chef ! Et de la boue, nous allons en déguster toute la journée. Entrée, plat et dessert. Sortis de l'eau c'est une ascension de plusieurs kilomètres qui se présente à nous. Découverte des nombreuses fondrières qui vont déclencher les premières chutes et les fous rires. Ce côté typiquement français du chambrage et de la moquerie. Le tout dans une ambiance bon enfant et d'entraide pour relever les copains. Et c'est là que nous comprenons que les cadors sont indonésiens. Nous nous faisons déposer par des types sur des bécanes improbables avec des physiques de sumos. Le tout avec style et décontraction. Cela nous remet en place. L'ego en a pris un coup. Arrivés au col après une ascension assez physique de plusieurs kilomètres, pause bien méritée pour faire retomber le cardio. Et la descente s'amorce, beaucoup plus technique. Festival de gamelles et de mauvaise foi, aussi. S'enchaînent ensuite des portions très roulantes de chemins et de routes qui nous amènent dans un charmant petit Warung au bord de la route. Dégustation des spécialités locales et notamment du plat national : le Nasi-goreng.

De délicieuses galettes de purée de pommes de terre, accompagnées d'omelettes et d'un peu de verdure bienvenue. Il faut préciser que les Indonésiens grignotent à toute heure du jour voire de la nuit. Nous voilà repartis depuis à peine dix minutes qu'une très grosse averse de pluie nous tombe dessus. Qui n'a jamais vu une pluie de mousson peut difficilement imaginer l'ampleur du rideau de flotte. Nous stoppons dans un village pour nous mettre à l'abri sous des toits de tôle ondulée. Nous prenons notre mal en patience et laissons passer l'orage. Nous repartons enfin et le terrain qui était très gras le matin s'est transformé en piste détrempée avec des fondrières très profondes. Les chutes se succèdent, nous sommes rincés et le moral en prend un coup. Mais bon, l'esprit de groupe est fort et l'entraide se renforce. Se profile à l'horizon un tronçon plus roulant qui nous rapproche de notre destination finale. « Tu chausses du 42. Eh ben, ce sera une paire en 45. Elles sont trempées. T'inquiète pas, tu comprendras dans une petite heure. » Nous ouvrons les gaz en grand. Quel bonheur. Les berges de la rivière franchie au début du trip se rapprochent. En revanche, le niveau d'eau a monté et le courant s'est fortement renforcé. Pas gagné pour traverser. Notre accompagnateur se positionne au milieu du gué pour nous guider. La barrière de la langue plus une légère dissipation nous font prendre pour la moitié du team de mauvaises trajectoires. Avec belles gamelles à l'arrivée, la plus drôle et la plus artistique ayant été celle d'Olivier. Butant sur une pierre invisible dans le fond de la rivière, celui-ci saute les quatre fers en l'air dans l'eau. Il tombe telle une tortue sur sa carapace et disparaît dans les flots quelques secondes. Le rire a devancé l'inquiétude. Au final, tout va bien. Pas de bobos. Les moteurs de deux motos sont noyés et il faudra une grosse sangle pour sortir la KTM d'Olivier de la rivière. Ma Honda repart sans trop de difficultés au bout de quelques coups de kick vigoureux. La KTM ne veut rien savoir. Elle sera tractée avec une sangle jusqu'au point d'arrivée. Rien ne vaut une bonne vieille Honda, surtout en Asie. Dépannable et réparable sur n'importe quel bord de route. Nous arrivons enfin. Bien essorés dans tous les sens du terme. Mais quelle journée ! Vivement la prochaine sortie. La moto c'est chouette en Indonésie et pas seulement à Bali.

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