FCR Original : Serpent de mer

Laissé à son libre arbitre, le team FCR produit une machine exceptionnelle et unique. Dans l'île de Ré. Ma belle adorée. Je t'emmènerai bientôt. Au mois de septembre. .. » STOP ! La chanson que Nougaro écrivit en 76 pour rendre hommage à son île enfantine n'a rien à voir avec le sujet qui nous préoccupe ici. Mais, les fesses bien calées sur le sable rétais, un petit matin de mars sur une plage dévoilée par l'étale de mer. .. je ne peux m'empêcher de fredonner cette sublime rengaine. À cette heure si matinale, j'espère voir les chevaux habitués à galoper sur cette étendue sableuse. Mais ils ne sont pas là. Il faut se contenter du spectacle des nuages brinquebalés par le vent et des vagues, inlassables sentinelles. On est bien, là, dans sa rêverie. Un bruit de moteur en approche me fait lever les yeux. Un drone, un ULM ? Non, rien en l'air d'aussi agaçant. Et puis le rugissement n'a rien à voir avec une quelconque crécelle aérienne. En revanche, un point noir sur l'horizon, entre sable et écume, se rapproche. Mon rendez-vous arrive. .. accompagné d'une sonorité mécanique des plus enivrantes. Ah le son de ce gros twin anglais dans le petit jour ! L'ambiance est parfaite pour faire connaissance avec la dernière création des ateliers FCR Original, réputés pour les excellentes préparations qu'ils produisent. Cette moto a été réalisée à partir d'une Norton Commando Mark III de 1975. Une base assez peu commune chez nos sorciers du Poitou, plus enclins à métamorphoser du roadster néo-rétro façon BMW nineT, Triumph Bonneville de dernière génération ou encore des twins Royal Enfield du XXIe siècle. Il faut préciser que ce café racer dépouillé jusqu'à l'os est un travail de commande, une bouffée de respiration dans les plannings de FCR bien chargés en permanence.

Le pourquoi de la chose

 C'est Sébastien Guillemot, créateur de FCR il y a déjà douze ans, qui nous en parle : « C'est vrai que nous ne réalisons pas souvent de motos sur commande. Nous travaillons sur nos préparations Triumph ou BMW mais nous ne nous engageons que très rarement sur ce genre de chantier. Un de nos clients, propriétaire d'une Bonneville Légend préparée chez nous, voulait une autre moto, dans le style café racer. Un style que nous explorons peu aussi. Bref, c'est en parlant de son projet et surtout lorsqu'il nous a annoncé que nous avions carte blanche que les choses se sont mises en branle. » Séb précise d'ailleurs que seuls deux ou trois points semblaient primordiaux sur ce projet. Dont un indispensable démarreur électrique, le futur propriétaire n'étant pas très aguerri à cette pratique du démarrage au kick-mollet. « C'est ce qui a motivé mon choix sur la Norton Commando. Elle a un démarreur électrique. Et surtout, son moteur très bien dessiné, beau comme tout, collait parfaitement au projet » explique Sébastien. C'est ainsi qu'il s'est mis en chasse d'une base. Dénichée par petites annonces et ne comportant qu'un moteur et un cadre. Bon début mais un peu court. Des dessins du projet avaient été soumis au client, le choix de cette noble mécanique était validé. .. il fallait donc se mettre à l'ouvrage. Sébastien, très investi dans cette aventure, explique : « Avec Rémy, en charge du design chez nous, nous avons arrêté les grandes lignes.

Ensuite, la chasse aux pièces et aux équipements a pu être lancée. Notre plan était de construire un bel objet capable de rouler quand son propriétaire le souhaitait. Donc OK pour cette allure stylisée et radicale, mais sans jamais perdre de vue qu'une moto, quelle qu'elle soit, doit rouler en toute sécurité. La mécanique a donc été démontée et entièrement rénovée. Du vilebrequin à la culasse - sur laquelle une pipe d'admission en Y a été installée. Avec un seul carburateur commun, le twin paraît plus étroit encore - en passant par les pistons et la segmentation, la pompe à huile, nous avons tout remis en état. Avec des pièces de qualité, sélectionnées en Angleterre où nous avons nos réseaux. Il a fallu prendre du temps et faire les bons choix. C'est juste plus long que de travailler avec des éléments déjà éprouvés sur nos autres prépas. » Pendant ce temps-là, c'est sur la partie-cycle que vont se porter les attentions. La moto est pourvue d'une fourche Cériani, classique des classiques. Un élément très efficace et d'une élégance rare. Elle guidera une jante Borrani en 18 pouces de diamètre dont la taille équivalente sera reportée sur le train arrière. Cela donne à la moto une assiette très horizontale et rend plutôt bien une fois celle-ci chaussée en Firestone d'antan. À préciser que les moyeux sur lesquels ont été rayonnées en inox les jantes alu sont faits maison. Un travail au tour qui a permis de créer des pièces très simples, minimalistes et surtout uniques. Au passage signalons le travail d'épaulement sur ce moyeu permettant de fixer le disque avant en respectant la largeur maximale acceptée par les tés. Eux aussi faits maison, ils bénéficient d'un traitement de surface tout à fait inédit. Carrément beau. Sébastien qui disait : « J'avais envie d'un racer pur, fait de métal et d'un peu de cuir. .. » C'est réussi ! La suspension arrière est confiée à deux combinés en provenance de Shock Factory, dans une finition noire parfaitement raccord avec l'ensemble. Sébastien précise : « Nous travaillons avec différents fournisseurs pour nos amortisseurs. Ceux-ci sont sur mesure, réglables et offrent un look impeccable. En plus, ils sont très efficaces. » D'autre part, et à propos du démarreur, précision est faite de l'adoption d'un modèle plus puissant et fiable que le lanceur d'origine. La moto une fois posée sur ses roues, il restait la partie carrosserie. Un morceau d'anthologie en deux pièces, réservoir et selle dosseret.Ce projet a demandé beaucoup de temps et un joli budget mais le résultat est à la hauteur des souhaits du propriétaire.

Un challenge rempoté haut la main

Inhabituelle chez FCR Original, la démarche, un peu plus ardue qu'à l'accoutumée, fut un challenge. Remporté haut la main ! Là encore la simplicité des lignes prévalait. Former de la tôle d'alu est un métier délicat. Pour aborder la problématique des formes initiales sur lesquelles viendront s'adapter les tôles, FCR a choisi de travailler en modélisation 3D en partant des fichiers numériques issus des dessins initiaux. Peu commune, cette démarche participe de cette vision moderne que possèdent les artisans de ce monde nouveau du custom. C'est malin et surtout : « On a gagné du temps en procédant ainsi et compris que cette technique pouvait vraiment nous aider sur d'autres projets » explique Sébastien. Les deux éléments de carrosserie ont donc été formés (quatre pièces pour le réservoir, deux pour le dosseret), soudés puis polis de longues heures, avant de prendre place. Avec, petite touche d'élégance, une bande de cuir nubuck sur le réservoir, pour respecter les codes et offrir une finition parfaite. Matériau que l'on retrouve sur la selle solo dont le galbe du dosseret appelle la caresse. La boucle arrière a été raccourcie et accueille à présent les feux de signalement bien planqués dans les tubes du cadre. Excepté la plaque d'immatriculation, déportée côté gauche, rien ne dépasse. Un peu comme sur ce que l'on aperçoit au niveau du poste de pilotage. Le té supérieur estampillé FCR héberge, via une platine maison en inox, un compteur miniature surmontant un phare chromé tout aussi discret.

Les bracelets prennent place sous le té et sont garnis d'équipements Kustom Tech, idéalement dans l'esprit du projet. Tout comme les commandes reculées Tomazelli, simples et de bon goût. Les détails que l'on voit moins concernent bien sûr la batterie et tout le fourbi électrique très bien planqués dans le dosseret. Sous la selle dans un bac thermolaqué dans le même noir que le cadre, le réservoir d'huile. À propos de noir d'ailleurs, on fait remarquer à notre hôte que le haut moteur Norton a lui aussi reçu son coup de peinture. Il répond : « Nous avions envie d'un moteur noir et alu poli. Comme il a été démonté, c' était l'occasion de lui donner un look particulier. C'est comme pour les échappements. Nous les avions dessinés comme ça mais il a fallu pas mal de travail à la cintreuse pour aboutir à cette double sortie bien parallèle. On a travaillé à chaud pour la partie près des culasses et à froid sur le reste. C' était pas simple (sourire). » La séance est terminée. La marée s'est inversée. .. La machine, sans nom pour le moment, va rejoindre son propriétaire. Un coup de kick, un grondement de tonnerre, ses vibrations se transmettent dans l'air. C'est comme une scène de cinéma, une réalité recréée. Elle disparaît au loin dans la brume de l'océan. Dans l'île de Ré. ..