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Moto club Bordeaux : L’échappée bielle

Publié le Écrit par La Rédaction
Moto club Bordeaux : L’échappée bielle
© Kevin Bruand
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J'ai une aura négative avec tous les appareils qui ont moins de 10 ou 15 ans », se marre Clément Brouzes en s'excusant de préparer son café comme il le fait. Ici pas de machine à café électrique, encore moins à capsules. Il pose sur le comptoir une antique cafetière italienne en aluminium cabossée. Elle est à l'image des trésors qui entourent son bar dans le vaste atelier du Moto Club Bordeaux. En pleine campagne aux abords de Bordeaux, entre vignes et poules, dans un parc néanmoins sous surveillance, un équipement moderne déparerait. Franchement. Jugez plutôt. À gauche, un vélo de 1880 en fin de restauration. À droite, des Mobylettes et autres cyclomoteurs des années 50 comme si on poussait la porte d'une concession de l'après-guerre. Et des motos d'avant-guerre, ainsi que des autos de la même époque. À 36 ans seulement ce passionné a bloqué le compteur au début du siècle précédent. Et il n'est pas le seul. Avec une poignée de copains de son âge ou plus âgés, ils remontent le temps. Ici, et sur les routes, au guidon de leurs machines d'avant-hier et au volant. Filmée* avec talent par Kevin Bruand qui signe aussi les photos de ce reportage, la seconde édition de leur “Grande Échappée” qu'ils ont réalisée il y a deux ans a soulevé enthousiasme et admiration. « On a rallié Bordeaux à Montlhéry pour aller au Revival Festival avec nos machines, tout par la route. Environ 80 0 km en cinq jours » se réjouit encore la cheville ouvrière de l'opération, heureuse de repartir cette année pour la même aventure. Mais pas le même itinéraire. À droite, des Mobylettes et autres cyclomoteurs des années 50 comme si on poussait la porte d'une concession de l'après-guerre.

Moto club Bordeaux Photos
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Tout à l'ouest

« La première année on avait fait au plus direct. Pour la seconde édition on a pris plus de temps et on est montés à Montlhér y par l'est, en allant jusque dans la Creuse » résume Vianney qui est en charge du tracé et de la quête des petites routes « et des plus beaux villages de France, quitte à faire un détour pour aller voir un site qui le mérite ». Pour la prochaine édition, du 6 au 12 mai, ils partiront avec le même esprit mais par l'ouest cette fois. « On rattrape la Charente-Maritime, puis les Deux-Sèvres, Laval, Nogent et le circuit » énumère l'homme du roadbook qui suit, lui, en voiture. D'avant-guerre évidemment. Une évidence pour ce trentenaire tout aussi passionné au point d'en avoir fait son métier. Dans le bâtiment de l'Atelier Vannier Auto à Bonnes, à côté de Poitiers, il essaye de terminer de remonter une Rosengart LR 49. Un cabriolet de 1934 qu'il n'est pas certain de démarrer dans les temps. Mais peu importe, il sait qu'une des voitures de Clément l'accueillera. L'an passé il avait rallié l'arrivée au volant d'une Motobloc, une marque bordelaise si chère au Moto Club Bordeaux. Quelle que soit l'auto il sera sur la route, à suivre le chemin qu'il a tracé pour le groupe. Dans une caisse en bois de vins - on est à Bordeaux -, un moteur de Peugeot 350 cc attend d'être remonté.

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Une Raleigh déjà parée

Un tracé dont n'a pas encore pris connaissance Alain Casano, l'aîné de cette équipée mais déjà prêt à décoller ! « Je suis le vieux mais mon sac est déjà fait, comme toujours » rigole cet ancien mécano d'hélico qui met depuis plusieurs années son talent au service de sa collection de deux-roues. Et de celles des copains. Si sur les courses d'anciennes sa Koehler-Escoffier rouge est connue comme le loup blanc, pour le périple début mai il fait confiance à sa fidèle Raleigh de 1929 : « 50 0 cc à longue course, pour l'allonge c'est bien, côtes ou pas elle avale tout », vante le préparateur appliqué, sûr de la fiabilité de sa machine anglaise. Démonstration à l'appui, il démarre l'engin au second coup de kick. Les vitesses au réservoir n'ont pas de secret pour ce pilote, et c'est parti. Histoire de se rassurer, il est allé faire 500 km de routes et de cols au Pays basque avant l'hiver. Tout est prêt pour rallier Montlhéry. Ce qui n'est pas le cas de tout le monde dans l'atelier de l'association. Dans une caisse en bois de vins - on est à B  ordeaux -, un moteur de Peugeot 350 cc attend d'être remonté. « Une P107 » confirme Clément qui trouve les pièces dans ce grand capharnaüm finalement organisé… pour celui qui sait. Entre une Rosalie Citroën en cours de résurrection, une Saab “moderne” prête à enquiller des spéciales de rallye et des motos restaurées, Clément stocke aussi ici les trésors qu'il vend du fait de son activité d'antiquaire. Plutôt spécialisé, pour ne pas dire plus. Pas de comtoise ou de meubles anciens. Les trésors ici sentent plus souvent l'huile que l'encaustique. Une passion devenue métier pour ce garçon diplômé de deux masters, en art graphique et histoire de l'art. « J'allais en fac avec la Traction qu'on avait achetée avec mon père ou ma 2 CV que je me suis payée à l' époque en travaillant dans les vignes . »

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Transmettre pour ne pas oublier

Les deux autos sont toujours dans l'atelier et nourrissent comme toutes l'entreprise personnelle de ce trentenaire, « préserver et transmettre cette culture qui est en danger ». En danger parbleu mais pourquoi donc ? « Ces machines des années 30 connaissent une chute d'engouement générationnel, explique l'historien inquiet, peu de jeunes s'y intéressent et c'est dommage. » Bilan, le Bordeaux Moto Club se veut aussi passeur d'histoire. « On se doit d'être des acteurs engagés : on ne peut pas rester passagers, ou simples observateurs », milite Clément qui apprend le métier chez un spécialiste à Maine-de-Boxie en Charente. Comme d'autres défendraient les arts et traditions populaires ou des races animales en voie d'extinction, lui assure la survie de ces machines d'hier. Bilan, on les trouve aux réunions d'automobiles anciennes chez Darwin, lieu incontournable à Bordeaux, quand un dimanche par mois ce lieu écolo et durable s'ouvre aux odeurs de gaz d'échappement. Ou on croise un dimanche matin pluvieux de février Alain avec sa Raleigh au milieu de Porsche, Ferrari et autres Mustang survitaminées lors d'un rassemblement auto-moto organisé sur le bassin d'Arcachon. Ambassadeur d'une époque, pour ne pas oublier. « Et avec La Grande Échappée on participe aussi à cela : à chaque étape, à chacun de nos arrêts on rencontre des gens, on discute, on échange. » Et peut-être que dans les effluves d'huile brûlée du groupe qui repart une passion naîtra. En matière de motos anciennes, le virus passe plus par le regard que par une poignée de mains. « Avec La Grande Échappée , à chaque étape, à chacun de nos arrêts on rencontre des gens, on discute, on échange. »

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Tout un esprit

Et pour ce faire le groupe ne laisse rien au hasard. Le look des pilotes est aussi bien travaillé que les machines sont restaurées. « En tout-terrain, sur la piste ou sur la route je respecte le dress code de l' époque de la moto », décrit Alain qui balade de zone en zone une Honda des années 80, avec la tenue du trialiste de l'époque. Pour “La Grande Échappée” c'est pantalon élégant, chemise chic et casque… homologué. Quitte à trouver des vêtements neufs dans une marque régionale de l'ex-Poitou-Charentes, Kidur dans les Deux-Sèvres. « C 'e s t la seule entorse que l'on s'autorise. Sans tomber dans la caricature on essaye de se rapprocher le plus possible des usages de l' époque : on ne va quand même pas rouler en jeans et baskets sur une moto de 29. Ce serait dégueulasse », confirme Clément, avec toujours le même objectif : « les gens que l'on voit et que l'on croise doivent penser qu'ils sont dans une capsule à remonter le temps ! » Et ça marche, il ne faut pas suivre des membres du groupe longtemps pour avoir envie de tenter l'aventure d'une sortie sur une moto d'avant-guerre. Quitte à savoir en payer le prix. « 150 km par jour maxi, car on n'est pas à l'abri d'une panne », rappelle Vianney, prudent.

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Et ce n'est pas le chef de bande qui dira le contraire. Lors de la dernière “Grande Échappée”, à peine parti, Clément était arrêté à Saint-Émilion. L'écrou de l'axe de l'arbre à cames de sa moto est parti de son côté. Impossible de le retrouver. « 30 km après le départ, ça la fout mal » regrette encore le malheureux pilote qui a fait un aller-retour à l'atelier pour chercher et trouver la pièce baladeuse. Heureusement tous ces propriétaires connaissent leurs machines sur le bout des doigts. .. un tantinet noircis. « On essaye de se rapprocher des usages de l'époque. On ne va quand même pas rouler en jeans et baskets sur une moto de 29. Ce serait dégueulasse. »

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Motobloc n'est pas morte

De l'usine bordelaise Motobloc, aujourd'hui disparue après avoir employé jusqu'à 1 000 salariés, sont sorties motos et autos. Une époque totalement révolue et qui serait enterrée si quelques passionnés ne l'avaient pas ressuscitée. Propriétaire de plusieurs deux-roues et voitures de cette firme, Clément Brouzes a racheté la marque et veille là encore à transmettre l'histoire. Une des machines qu'il a restaurées est dorénavant au musée d'Aquitaine pour sa plus grande joie, et il a participé à la sortie d'un livre de Jean-Luc Fournier consacré à cette marque emblématique liée à la ville de Bordeaux. Mais son plus grand bonheur est encore de voir rouler les machines Motobloc. « Elles ont été pensées pour cela, pas pour rester immobiles comme des statues. » Sauf que selon l'historien, il resterait 30 voitures et une cinquantaine de motos de la marque dans le monde…

Vidéo à retrouver sur le Facebook de La Grande Échappée du MCB. À l'heure du bouclage il restait quelques places, du 6 au 12 mai. Contact 06 73 02 31 08.

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