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Charles Collin : Etoiles de Mer

Publié le Écrit par La Rédaction
Charles Collin : Etoiles de Mer
© Thomas Vollaire
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Charles Collin roule dans une Austin Healey 3000 qu'il a entièrement restaurée, ou en Jaguar Type E, la voiture qui l'a ramené de la maternité, ou bien encore en MG TC de 1947 pour les petits trajets, rien que des machines merveilleuses et parfaitement entretenues. Sa passion est devenue son métier. La société Cecil Cars père & fils, fondée en 1985 par ses parents Isabelle et Pierre Collin à Arpajon (Essonne), est une institution ici, considérée comme l'une des plus grandes spécialistes de la restauration, l'entretien, la vente et l'expertise des voitures anglaises. « Beaucoup de gens ont pour loisir l'automobile et travaillent en pensant à leur jouet mécanique. Moi je travaille toute l'année dans les voitures et mes moments de relaxation, je les ai dans le nautisme. » Car chez les Collin, la mer, c'est une autre tradition ! Du côté maternel, on apprend à naviguer dès le plus jeune âge lors des grandes vacances dans le sud, près de Saint-Raphaël dans le Var. Tout le monde y passe, lui, sa sœur, ses cousins, ses cousines. Et c'est ainsi depuis des générations. Son père s'y est mis plus tard, à trente ans en 5o5 avec lequel il a fait ses armes à la voile. « Par la suite, il s'est rendu compte qu'en Méditerranée, pour se balader un peu plus loin, les bateaux mécaniques étaient plus intéressants et rejoignaient son autre véritable passion : l'automobile. Il ne faut pas oublier que c'est en rentrant des États-Unis avec un pare-brise et un volant de Cadillac sous le bras que Carlo Riva a dessiné son premier bateau. On retrouve tout à fait cette influence dans le design de ses canots, jusqu'au rétroviseur sur le pare-brise, clin d'œil à l'automobile américaine dont Carlo Riva était un grand fan. » Le lien est donc vite fait et ce n'est pas une surprise si le fan de Jaguar s'est tourné vers le mythique constructeur du lac d'Iseo pour acquérir un bateau. « Chez Jaguar, il y avait toujours une arrière-pensée sportive, surtout dans les années 50- 60, ce qui n' était pas forcément le cas chez Riva. Mais Sir Lyons a aussi “désigné” son moteur pour que ce soit un bel objet à regarder et chacune de ses voitures était travaillée dans le souci du détail. C'est là que les deux marques se rejoignent pleinement. » Ce qui est plus surprenant en revanche, connaissant le pedigree de notre passionné, c'est le choix du modèle. Pourquoi le Saint-Tropez, une coque en fibre de verre, et non pas un Aquarama rutilant, le runabout emblématique du chantier sorti en 1962, indémodable avec son pont en acajou, son immense bain de soleil arrière et ses chromes étincelants ?

« Dans les années 80, on était clairement dans ce qui se faisait de mieux en terme de qualité de fabrication. »

« Nous avons eu un Riva Junior en bois de 1968 pendant douze ans que nous avions intégralement et amoureusement restauré mon père et moi. Mais je voulais un bateau plus facilement utilisable pour naviguer en Méditerranée où la taille de la vague empêche d'avoir des bateaux trop petits. Je venais d'être papa, je voulais aussi une petite cabine pour les siestes. » Avec moins de 6 mètres, le Riva Junior n'est donc pas assez grand pour satisfaire pleinement son envie de prendre la mer. Il se met alors en quête d'un bateau plus grand. Or à une certaine taille, le prix de ces belles coques en bois s'envole sur le marché de l'occasion. C'est une ironie de l'histoire car lorsque le Saint-Tropez est né en 1976, à une époque où la fibre de verre avait déjà supplanté les coques en bois, la mode était bien différente comme en témoigne Antonio Gervasoni, le neveu de Carlo Riva : « Quand le Saint-Tropez est arrivé sur le marché, les gens revendaient leur Aquarama pour acheter ce modèle. À ce moment-là, beaucoup avaient un peu honte de posséder des bateaux en bois, ils avaient peur qu'on se dise : “Ah tu as une coque en bois, tu n'es donc pas assez riche pour t'acheter un modèle en fibre de verre !” » Qu'il soit en fibre de verre ou en bois, peu importe, Charles Collin, aiguisé par ses années d'expérience dans l'automobile, veut un bateau exclusif, avec une histoire intéressante : « Mon métier, c'est de chasser et de trouver les perles rares. Je me donc suis dirigé vers le dernier design réalisé par Carlo Riva sous le nom de Riva, le Saint-Tropez.

« Quand on a une voiture de collection, on passe beaucoup de temps à la nettoyer. Avec un bateau, c'est la même chose. »

Pour beaucoup de monde, la marque Riva s'est arrêtée à la fin des coques en bois alors qu'elle a continué à faire de très beaux yachts par la suite. Dans les années 80, on était clairement dans ce qui se faisait de mieux en terme de qualité de fabrication. On avait des bateaux et des coques qui étaient splendides de détails et de finition comme on a dans les voitures de collection. On s'est donc baladés avec mon père vers les lacs italiens et jusqu'à Majorque à la recherche d'un Saint-Tropez pur, pas un bateau tuning revisité avec des gros haut-parleurs comme peuvent être certains modèles de la série. » Bateau de jour extraordinaire et rapide, le Saint-Tropez a en effet connu un certain succès à l'époque, produit entre 350 et 380 exemplaires, mais il a été aussi beaucoup transformé pour en faire un bateau de jour plus clinquant. Ils finissent tout de même par trouver l'oiseau rare, un modèle de 1985 jamais modifié, dans son bon jus d'origine, cochant toutes les cases pour notre acquéreur. L'affaire est conclue en octobre 2018 et Charles Collin se résout dans la foulée à mettre en vente son petit Junior. « Si j'avais habité près d'un lac ou au bord de la mer, je l'aurais gardé pour m'en servir de manière un peu plus occasionnelle que le Saint-Tropez. Dans l'automobile, j'ai quatre ou cinq voitures, dont je me sers de temps en temps et différemment. Dans le bateau, c' est plus compliqué, je ne prends pas beaucoup de vacances, j'ai une entreprise passionnante mais qui me prend beaucoup de temps et m'empêche de naviguer. » Alors Charles en profite à fond pendant trois semaines en été, tous les jours si la météo le permet, et avec toute la famille. Depuis Saint-Raphaël, ils vont à Saint-Tropez, évitant les bouchons des malheureux terriens. Ou bien ils filent de l'autre côté, jusqu'aux aux îles de Lérins, en s'offrant au passage une baignade dans les petites criques des Roches Rouges, entre Saint-Raphaël et Cannes. Comme au volant de ses petits bolides sur roues, il retrouve le plaisir du sport mécanique. En connaisseur, il bichonne bien sûr amoureusement les deux V8 Cummins de 350 chevaux qui propulsent le bolide. « Ce sont deux superbes moteurs qui ont un bruit tout à fait particulier et très reconnaissable comme on peut avoir sur certaines voitures. C'est une approche de la passion qui est tout à fait identique. Quand on possède une voiture de collection, on passe beaucoup de temps à la contrôler et à la nettoyer. Avec un bateau ancien, plus atypique que la moyenne, c'est la même chose. » Charles Collin n'est pas pour autant un “foudre” de guerre. « Faire de la vitesse sur une mer qui n'est pas très belle, c'est faisable avec mon bateau, mais je ne vois pas l'intérêt d'entendre ma coque craquer sous chaque vague.

« C'est en rentrant des États-Unis, un pare-brise et un volant de Cadillac sous le bras, que Carlo Riva a dessiné son premier bateau. »

Je n'y prends aucun plaisir. Je ne suis pas un fou furieux de vitesse, je suis plutôt protecteur des objets dont je suis propriétaire. Pourtant j'adore la vitesse, je fais même un peu de circuit occasionnellement, mais je ne veux pas abîmer mes objets. Je me considère uniquement comme un témoin, je ne suis là que pour transmettre à un futur propriétaire un objet qui, j'espère, sera en aussi bel état que quand je l'ai acquis. » Cela étant dit, quand la mer est lisse et que le soleil brille, il ne se prive pas non plus de pousser parfois les commandes et de faire une petite pointe. Il reste fasciné par la marque Riva et se défend de toute nostalgie. Le tournant pris par le groupe Ferretti, avec des yachts de plus en plus grands, n'a pour lui rien d'hérétique. « Dès les années 80, Riva a commencé à fabriquer des bateaux de plus en plus gros, le Bravo 38, le Tropicana 43 ou le Diablo 50. La production avait déjà clairement quitté la trame de ce que Carlo Riva avait voulu avec ses canots automobiles. Ce que fait aujourd'hui le groupe Ferretti est dans la lignée, avec la même qualité de fabrication et toujours des lignes magnifiques. »

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