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Quartz : French Touch

Publié le Écrit par La Rédaction
Quartz : French Touch
© Photos Thomas Cortesi
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La frustration a parfois du bon. La colère et le ras-le-bol aussi quand ils conduisent à se lancer dans un projet d'envergure. Xavier Marigo, 52 ans aujourd'hui, passionné de tout-terrain depuis son plus jeune âge, en a fait l'expérience : en 2017, il lance au salon EICMA de Milan sa propre marque de casques, baptisée Qwart, après quatre années d'un développement acharné. « Mon premier métier, c'est designer freelance , explique-t-il. J'ai travaillé pour de nombreuses marques de renom, telles que One Industries aux USA, pour qui je réalisais tous les kits de décoration des teams de cross officiels Yamaha, Kawasaki et Suzuki. J'ai beaucoup collaboré avec First Racing, les casques JT, Arai, les motos HRD, les vêtements Scott et tant d'autres. Hélas, quand tu es freelance, tu es souvent frustré. On te demande d'aller dans certaines directions, alors que tu voudrais faire autrement. J'avais un dossier dans lequel j'empilais tous les boulots abandonnés. Il y en avait des tonnes : des voitures, des bécanes, des fringues, des concepts de casques, des concepts de lunettes… Ce tiroir fourre-tout, je l'avais baptisé Qwart. Juste parce que ça sonnait bien. C'est purement phonétique, une esthétique sonore, une résonance avec le noir et le blanc, avec le mot schwarz (noir, en allemand) et ce côté sharp, très tranchant. Un jour, j'ai décidé d'utiliser ce dossier… »

Le design

Le décor est planté : l'homme aime le beau. Il est audacieux et décidé. « J'ai toujours bloqué sur le casque. J'aurais pu choisir de créer une marque de bottes ou de gants. J'en ai dessiné des centaines. Mais pour moi, le casque, ça reste le graal de l' équipement moto. C'est le nec plus ultra, ce qui te rend beau, ce qui fait que tu as une attitude. Ça marque aussi tes goûts. C'est l' élément le plus sculptural dans les tenues de motos. Le casque possède un vrai volume. » Son amour du tout-terrain, qui a débuté à l'âge de 10 ans au guidon d'un 50 cm3 Malagutti Ronchino, se retrouve dans le design de son modèle phare, le Phoenix. « J'ai toujours adoré la marque JT, et notamment les modèles ALS1 et ALS2 des années 1980. J'ai sûrement eu le crayon qui a glissé un peu au moment de dessiner le Phoenix. Quant au fait que mon casque ne soit pas bosselé, plein d'appendices, qu'il n'y ait pas de formes gratuites, ça c'est le côté Arai, que j'apprécie. »

Le Qwart Phoenix possède son identité propre, surtout en version bicolore, avec la mentonnière peinte d'une autre couleur. Selon sa culture, son âge, on projette ses références personnelles sur ce casque au design mécanique épuré. Il a ce côté Mad Max ou Roller Ball, une fois le cache mentonnière ôté. « Chacun y voit ce qu'il veut, en fonction de ce qu'il a dans son sac à dos, confirme Xavier. Et ça me plaît. » Formé à l'École des Beaux-Arts de Toulouse, Xavier avoue d'autres sources d'inspiration : « Ce qui m'inspire, plus que l'industrie du casque, c'est l'art en général, la musique, le mobilier, parfois la mode. Au gré d'une expo, je pense à un truc et ça finit sur un casque… C'est totalement détourné. Il y a un côté Eiffel pour la structure de la mentonnière. Tu peux y voir aussi un peu d'horlogerie, de carter moteur ou d'aviation pour la visserie apparente. J'adore monter dans un avion et regarder les rivets sur les ailes. À distance, le produit est lisse, magnifique mais quand tu es tout près, tu t'aperçois que c' est construit par petit périmètre. » Ce goût du détail et de la précision a guidé Xavier à chaque étape de la confection de son casque : « Je me focalise sur le moindre détail et je fais toujours en sorte que les pièces soient aussi belles à l'envers qu'à l'endroit. C'est quelque chose que beaucoup de fabricants ne comprennent pas. Je m'attache toujours à servir l'esthétique, quitte à sacrifier des détails pratiques s'ils sont moches. »

Le concept

Pas facile d'arriver sur un marché où nombre de grandes marques sont déjà en place depuis longtemps. « Pour avoir une chance, tu dois proposer une alternative. Un produit comme le mien est tellement complexe à monter, à fabriquer, à gérer en termes de stock de pièces, de customisation, de possibilités de panachage, que ça ne peut pas intéresser un gros fabricant. Plus de cent pièces composent un Phoenix, contre une vingtaine pour un casque traditionnel », détaille Xavier.

Outre leur design et leur qualité de finition, ce qui distingue les casques Qwart, c'est qu'ils sont entièrement démontables et donc personnalisables. Tout cela a un prix. Actuellement, les tarifs s'échelonnent entre 349 €, pour le modèle jet Hemi en finition Black (Mat ou Gloss), et 999 € pour le Phoenix Compo réalisé à la carte.

« Avec un casque Qwart, le client peut avoir ce qu'il veut en termes de déclinaison et de personnalisation. Il a aussi le droit de se tromper car, hormis la couleur de coque qui représente un travail plus important à changer, il peut revenir sur tout. Ce qui est impossible avec un casque qui possède une coque figée avec tous les joncs et éléments collés. Sur un Phoenix, tout est assemblé, sauf la cellule protectrice, composée de la coque et de la mentonnière qui sont indissociables. Justement, si tu ôtes l'habillage de la mentonnière et que tu laisses son châssis apparent, tu as un deuxième casque. »

La réalisation

Le raffinement et l'élégance des casques Qwart tiennent aussi à la qualité des matériaux utilisés : « Je m'impose à ne jamais trahir le produit, à ne pas verser dans l'imitation. Quand ça ressemble à du cuir, c'est du cuir. Idem pour le carbone ou la suédine. Chaque matériau est utilisé pour ses qualités mécaniques ou esthétiques. Je fais en sorte de les utiliser à bon escient. Quitte à pousser le snobisme jusqu'à le cacher, même si c'est du carbone. » Xavier n'a toutefois pas pu réaliser les joncs de bordure en aluminium comme il le souhaitait initialement : « Cela aurait plus que doublé le prix du casque mais surtout, cela posait un réel problème de sécurité car l'aluminium apportait trop de rigidité à la calotte. Elle doit pouvoir se déformer si nécessaire, certains éléments devant céder au besoin. »

De fait, la fonction première d'un casque, avant d'être beau, est de protéger celui qui le porte. Sur ce point également, Xavier est intransigeant. « Nos casques sont homologués ECE 22- 05, une norme qui est valable jusqu'à fin 2024. Sans modification, ils viennent d'obtenir la très exigeante certification ECE 22-06 », annonce avec fierté Xavier. S'ils sont à « 1 000 % » de conception française, malgré une ingénierie sous-traitée au Canada mais entièrement chapeautée par Xavier, les casques Qwart sont fabriqués en Asie, entre Taïwan et le Vietnam. « Il m'a été impossible de trouver un fabricant français ou européen pour réaliser mon casque dans un tarif qui ne soit pas rédhibitoire. Encore aurait-il fallu en trouver un qui ait la volonté de le faire. Ayant bossé dans la moto, je les ai tous consultés, en vain. » Seul le modèle Phoenix Compo est réalisé « au Head Qwarter », comme le dit en rigolant Xavier. « J'ai démarré dans une petite dépendance de 60 m2 dans mon jardin, à Saix. En 2022, on a emménagé dans de nouveaux locaux de 40 0 m2 , situés dans le centre-ville de Castres. »

L'avenir

Après cinq années de commercialisation, Xavier Marigo peut être fier du chemin parcouru puisqu'il vend aujourd'hui quelque 3 000 casques par an, dont 80 % à l'export. Mais l'aventure ne fait que commencer : « Je rêve de développer un casque de MotoGP tel que je l'imagine, confie-t-il, enthousiaste. J'ai plein d'idées utiles au pilote. Mais pour les réaliser, les moyens nécessaires ne sont plus les mêmes, et j'avoue ne pas aimer devoir faire des numéros de claquettes pour lever des fonds. Je suis plus à l'aise derrière ma batterie ou ma guitare, et à concevoir et assembler mes casques en écoutant Gojira ou Pornography de The Cure ! » Pour l'heure, Xavier a choisi d'élargir sa gamme en dévoilant de nombreuses nouveautés au salon EICMA à Milan, à commencer par le Phoenix Core (environ 600 €) qui est un Phoenix sans cache mentonnière et sans écran ; le Phoenix Slick (environ 500 €), une version monocoque moins complexe et plus accessible du Phoenix ; ainsi qu'un nouveau jet, le CC, proposé aux alentours de 300 €. Enfin, un configurateur sera prochainement en ligne afin de créer facilement son propre Phoenix Compo. « Le casque, c'est le graal de l'équipement moto. Le nec plus ultra, ce qui te rend beau, ce qui fait que tu as une attitude. »

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