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Cifonelli & Borsarello : de fil en aiguilles

Publié le Écrit par La Rédaction
Cifonelli & Borsarello : De fil en aiguilles
© François Darmigny
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Quand un tailleur rencontre un styliste, de quoi parlent-ils ? De montres, bien sûr ! Elles en disent long sur leurs personnalités respectives. Rien que leurs deux manières de présenter leur collection est révélatrice. Tandis que Lorenzo Cifonelli dégrafe de son poignet son American 21 de Vacheron Constantin et fait apparaître comme un prestidigitateur une poignée de jolies pièces anciennes, aux diamètres mesurés et aux bracelets subtilement patinés par le temps, Gauthier Borsarello ouvre une mallette jaune, dans le genre des valises étanches des photographes en expéditions, où ses garde-temps sont impeccablement alignés. Quand Lorenzo Cifonelli ne s'interdit pas une certaine poésie empreinte de décontraction, à la manière de la “sprezzatura” italienne, Gauthier Borsarello assume un certain sens de la rigueur propre aux connaisseurs avertis. Les deux styles sont complémentaires et font le lien entre ces deux amoureux du sens du détail. Dès les premiers échanges, la complicité entre eux est évidente. Ces deux spécialistes du style masculin s'apprécient et se connaissent depuis longtemps. Ils ont même travaillé un temps ensemble au sein du prestigieux atelier de sur-mesure fondé à Rome par Giuseppe Cifonelli en 1880 et établi à Paris par Arturo Cifonelli en 1926. Depuis, le temps ne semble pas avoir de prises sur ce savoir-faire d'exception. Il entre pourtant en ligne de compte puisqu'il faut entre 80 et 100 heures d'un travail manuel appliqué pour réaliser un complet.

« Ma quête est avant tout esthétique, et rarement technique. Je suis guidé par la beauté de l'objet. La montre est un bijou. »L. Cifonelli

Aujourd'hui, Lorenzo et Massimo Cifonelli ne se contentent pas de poursuivre l'art de la belle ouvrage signé du nom de leur famille. Ils ne cessent de développer de manière innovante la griffe Cifonelli. La “grande mesure”, les vêtements entièrement faits main réalisés à partir d'un patronage unique sont toujours coupés, cousus et finis dans les ateliers de la rue Marbeuf à Paris. Ah, si ces murs pouvaient parler... Au fil des générations, tant de clients célèbres ont fréquenté ces lieux. Mais ils sont si discrets qu'il n'y a pas de livre d'or. Le bon vieux temps. Les amateurs les plus pointus auront tout de même reconnu la griffe dans les garde-robes de Lino Ventura, Charlton Heston, Jean d'Ormesson ou Kanye West. Quelques indices ne trompent pas. Par exemple, l'emmanchure très haute, le boutonnage bas, ou encore les gilets croisés. Il y a aussi la fameuse “épaule Cifonelli”, bombée et tournée vers l'avant de la silhouette grâce à un travail au fer à vapeur. Cette façon traditionnelle se double aujourd'hui de quelques lignes de confection, exclusives et qui font la part belle à la maille ou aux peaux. Le duo des deux cousins Cifonelli, souvent en voyage pour prendre des mesures partout dans le monde, développe aussi de nouvelles ambassades, avec notamment une boutique à Londres depuis 2019. Ces deux amateurs d'automobile ont aussi noué un partenariat avec les 24 Heures du Mans. Tout cela ressemble presque à un conte de Noël.

« Les créations majeures qui traversent le temps sans se démoder sont des pièces parfaitement conçues et réalisées. »G. Borsarello

Une forme de magie à laquelle Gauthier Borsarello ne peut être insensible. C'est en effet à cette période spéciale de l'année, quand il avait 16 ans, que s'est formé son goût pour l'horlogerie. Ses parents venaient de lui offrir sa première “belle montre”. Elle était signée d'un génie de la mode : Yves Saint-Laurent. S'il se destine à une carrière de virtuose dans un orchestre, le jeune homme ne fait pas mystère de son goût pour le vêtement. Avant de devenir le directeur créatif de la marque française Fursac, Gauthier Borsarello est passé, entre autres, par Ralph Lauren. Si la montre Yves Saint-Laurent n'est hélas plus là, à cause d'un cambriolage, la Rolex Explorer II reçue en cadeau de sa femme et de ses amis pour ses 30 ans y est en bonne place. Chaque montre a un petit détail distinctif, la plupart du temps les bracelets sont différents de ceux d'origine.

Subtile personnalisation. Aucune montre n'a d'indication de date. « Jamais. C'est pour pouvoir passer facilement d'une montre à l'autre » assume cet hédoniste qui en change au gré de ses envies, des usages, ou de ses looks. L'écrin renferme aussi, entre autres, plusieurs Rolex avec de rares cadrans de couleurs, une Piaget Altiplano, une Omega Speedmaster “Straight Writing”, une Tudor Pelagos, une Bulova à alarme, une Patek Philippe Ellipse d'Or dans la désirable version à cadran or. Des valeurs sûres. « Parfois, c'est vrai, je ressens le besoin de “cocher les cases”. Cela me rassure, d'une certaine manière. Cette démarche vient aussi appuyer mon désir de toujours approfondir mes connaissances, que ce soit au sujet de l'histoire de la mode et des styles ou pour les objets qui m'entourent. Les créations majeures, celles qui traversent le temps sans jamais se démoder, qu'il s'agisse de vêtements ou de montres, sont généralement des pièces parfaitement conçues et réalisées. Pourquoi s'en priver dans une collection ? Ce sont des jalons marquants, non seulement dans l'histoire des maisons qui les ont produites, mais aussi dans l'imaginaire collectif et les représentations qu'elles véhiculent » souligne l'érudit. En écho, Lorenzo Cifonelli donne sa vision du sujet : « Ma quête est avant tout esthétique, et rarement technique. Je suis guidé par la beauté de l'objet.C'est un bijou. Il en va de même pour les voitures anciennes, que j'apprécie beaucoup pour leur allure et leur style, mais dont peu m'importe de soulever le capot. Je porte des montres que j'aime et qui me plaisent, me séduisent.

Je suis la plupart du temps attiré par les petits détails, en particulier ceux qui ne sont pas forcément apparents ou évidents. Il est toujours intéressant de pouvoir trouver une seconde lecture, entre les lignes, que seuls les initiés remarquent ou connaissent. L'histoire a aussi une importance majeure. Je ne suis généralement pas très attiré par les objets neufs. Ils ont quelque chose de froid et d'impersonnel. Je préfère ressentir l'âme des objets et inscrire mon histoire personnelle avec l'objet à la suite de l'histoire initiée avant moi. Et pouvoir un jour le transmettre. » Chacune de ses montres raconte une histoire intime. Celle de son grand-père, un ravissant quantième signé Universal Genève qu'il conserve fidèlement, ou encore une montre Piaget offerte à sa mère par son père pour leurs fiançailles. Son cadran en pierre dure verte et son petit diamètre y ajoutent aujourd'hui un dandysme exquis.Avec plusieurs autres montres de forme des années 60, Piaget est bien représenté dans la sélection du maître tailleur. Pour les montres plus sportives, son goût le porte vers la génération suivante dont l'esthétique est marquée par les rêves de conquête spatiale ou de design novateur. Tel est le cas de sa Memovox de Jaeger-LeCoultre, de forme “télévision”, avec un cadran noir et orange follement 70s. Contemporaine, l'Omega Dynamic, bleu turquoise, se marie avec certains blazers. Sensible à la création contemporaine, il a aussi craqué récemment pour la nouvelle Serica GMT. Ajoute-t-il une Rolex à sa collection ? Sans doute, mais il s'agit d'un intéressant modèle vintage, de forme tonneau, en or, avec une petite seconde à six heures. Une pièce délicieusement décalée pour une collection sur mesure.

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