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Richard Mille Fife Regatta : voyage dans le temps

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Richard Mille Fife Regatta : voyage dans le temps
© Götz Göppert
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Glasgow, Écosse. Tout le plaisir est pour nous. À quelques jours de l'été, il fait encore “frisquet” dans la cité scottish. Une légère brume matinale nous éloigne temporairement de la canicule qui s'abat en France comme dans le reste de l'Europe. Cap sur Fairlie, sise sur la côte ouest de l'Écosse, pour l'édition 2022 de la Richard Mille Fife Regatta, à quelques encablures de la rivière Clyde. Une région sauvage et authentique où l'on s'enivre des clichés de la cité écossaise. Une brise légère, des averses tempétueuses, des paysages verts à perte de vue, de nombreuses tables de fish & chips, un zeste de whisky pur malt et des moutons. Tout est là dans cet écrin de rêve dédié à la voile classique.

Lancée en 1998 par un certain Alistair Houston, la Fife Regatta effectuait son grand retour en 2022

Lancée pour la première fois en 1998, la Fife Regatta a été imaginée par un certain Alistair Houston. Ce passionné de voile classique, artiste et photographe a participé en tant qu'équipier à de nombreuses régates en mer Méditerranée. On raconte que cette première session de la Fife Regatta avait entraîné une vraie prise de conscience chez les amateurs de voile du monde entier. Une tragédie aussi. C'est en rejoignant cette même régate classique à bord du “Pen Duick VI” que le célèbre navigateur Éric Tabarly disparut en mer d'Irlande dans la nuit du 12 au 13 juin 1998. Le voilier que convoyait le marin français a été dessiné par ce fameux architecte naval William Fife, à l'origine de la série des “Pen Duick”. Seulement dix bateaux s'étaient rassemblés pour cette première édition en Écosse dont le célèbre “Moonbeam III”. Ce splendide yacht de course, construit à Fairlie en 1903, navigue aujourd'hui sous pavillon français. Par la suite, la Fife Regatta se tiendra tous les cinq ans avant une longue période d'interruption due notamment à la pandémie du Covid.

Cette année, la cinquième édition de la Richard Mille Fife Regatta ne comptait pas moins de 22 unités classiques affichant jusqu'à 105 pieds (environ 32 mètres) de ligne de flottaison et des profils de cinéma. Un record. L'organisation signée William Collier et Fiona Houston accueillait un nouveau partenaire titre, l'horloger Richard Mille, historiquement impliqué dans le sport automobile mais également l'univers nautique comme l'apnée ou les régates (Voiles de Saint-Barth). Certains voiliers ont traversé, bravé la houle et les tempêtes pour se rendre en Écosse sur la Clyde où fut donné le départ officiel le 10 juin dernier. La flotte comprenait des yachts de course, des voiliers de croisière d'antan et plusieurs petits day-boats de fabrication locale. Un tableau de maître et des voiliers dotés d'un pedigree ou un historique spécifique lié à cette fameuse dynastie des Fife. Cette saga est comme souvent familiale et liée à ce lieu ô combien historique. C'est là que, dès le début du XIXe siècle, les riches familles de Glasgow découvrent la navigation de plaisance aux prémices de la révolution industrielle. Très rapidement un petit chantier naval de Fairlie se crée une jolie réputation. William Fife, premier du nom (fils de meunier mais marin) attire tous les “gentlemen” par la qualité de ses dessins et de ses constructions navales.

Quelle que soit sa taille ou son année de construction, un voilier Fife se reconnaît au premier coup d'œil

On parle d'un magicien et lorsque son fils le rejoint, ils reçoivent en consécration la commande par Sir Thomas Lipton de l'un de ses challengers, les fameux Shamrock, pour participer à la future Coupe de l'America. Et trois générations de Fife vont se succéder offrant au monde de la plaisance de véritables œuvres d'art. William Fife III recevra l'Ordre de l'Empire britannique pour son travail d'architecte avant d'être inhumé en 1944 non loin de sa chère Clyde. Sans enfant ou descendant direct, il lègue un savoir-faire et une bourgade devenue sacrée à l'image d'un “Goodwood” du nautisme. Quelle que soit sa taille ou son année de construction, un voilier Fife se reconnaît au premier coup d'œil. De l'élégance, des performances hors du commun et bien sûr son incommensurable signature. Dans le bordé du voilier, on remarque en effet un dragon rageur sculpté à proximité de l'étrave. Il déroule sa queue presque jusqu'à la poupe.

Parmi eux, en Écosse, six géants des mers témoignent des plus belles heures du yachting et des régates d'antan. De l'autre côté de la Manche naviguaient dans les eaux parfois agitées du Clyde les légendaires coques “Mariquita”, “Moonbeam III”, et “Moonbeam IV”. Tous les trois forment le “Team Fife” de Benoît Couturier. Cet entrepreneur et collectionneur d'automobiles classiques bien connu au Mans Classic a succombé au charme de ces voiliers d'époque et dirige cette flotte de rêve comme une écurie de Formule 1. Pour rien au monde, il n'aurait manqué cette régate et milite « pour plus de régates en Atlantique, de Brest à Fairlie », un peu à contre-courant des régates classiques de la mer Méditerranée comme les Voiles de Saint-Tropez ou les Régates Royales de Cannes. Cet homme au caractère bien trempé rêve de créer un circuit “Classique” en région Atlantique.

Un esprit fair-play en mer qui se prolonge à terre avec de nombreuses animations et concours entre les équipages

Pari gagné. Cette première apparition officielle du Team Fife aura été couronnée de succès avec une victoire en régate pour “Mariquita” en terre écossaise (1911) en classe 1, la catégorie reine. Jacques Caraës était à la barre de la vielle dame. Ce navigateur breton est connu pour avoir été le directeur de courses au large comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro ou le Vendée Globe. Fabriqué en 1911, le “Mariquita” demeure le plus grand cotre de course construit avant la Première Guerre mondiale (1911) à naviguer encore. Entièrement restauré et basé à Brest, ce chef-d'œuvre en bois verni de 19 mètres classé au patrimoine maritime fait montre de performances exceptionnelles et conserve son intérieur d'origine. Une pièce de musée appréciée et connue de nos voisins anglo-saxons et qui nécessite un équipage de 19 marins et un moral de plomb pour hisser l'intégralité de ses voiles !

On aurait tant à raconter sur les partipants de la Fife Regatta comme en classe 2, le petit “Viola” qui portait lui aussi les couleurs de la France dans les courants et pièges de la “Perfide Albion”. Construit en 1908, ce cotre aurique ne manque pas de charme et fait aussi l'objet d'un classement au titre des monuments historiques.

Restauré à partir de 1992 à La Rochelle, ce “Cutter yacht” se veut tout aussi confortable que performant. L'esquif de 16 mètres affiche une surface de voilure de 118 mau près contre 208 au portant. « Une construction exceptionnelle en chêne, acajou, pitchpin et acacia, une taille raisonnable et les soins de 14 “keepers” (gardiens) successifs, ont permis de lui conserver 80 % de sa structure d'origine », explique son équipage rochelais.

Quand on vous parle de patrimoine, de traditions, de fair-play et d'ambiance à quai. En dehors des régates à couteaux tirés aux allures de pèlerinages, les marins venus des quatre coins de l'Europe ont aussi participé à des parades, des parcours de liaison, toujours dans le cadre idyllique des lochs écossais. Mouillages d'étapes, journées de repos, météo capricieuse ont été aussi animés par des courses à la rame, quelques pintes de bière et fous rires toujours dans le respect de l'adversaire. Un hommage à la dynastie des Fife et un podium de la Richard Mille Fife Regatta célébré comme il se doit par les victoires au classement général en classe 1 des équipages du “Mariella” (1938), “Falcon” (1930) en classe 2 et du “Lotus” (1934) en classe 3. Comme si le temps s'était figé dans la brume et les courants écossais pour nos gardiens du temple et héros du Clyde.

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