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Yamaha DT2 : légendes d’hiver

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Yamaha DT2 : légendes d’hiver
© Sven Wedemeyer
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Au Japon, qui a vu naître la DT2, on croit que les objets ont une âme. Les motos aussi, bien sûr. Lorsqu'une chose n'a pas de fonction, est négligée ou n'est pas utilisée du tout, elle souffre. Dans le pire des cas, son âme meurt.

Aussi élégante que le glorieux Desmo Scrambler de Ducati, et non moins pratique qu'un Sherpa Bultaco

Il faut éviter cela. C'est pourquoi utiliser l'objet dans le shintoïsme est bien plus que s'en servir, c'est aussi l'expression de la vénération et de l'appréciation. Le fait que la petite Yamaha DT2 reste immobile dans le coin le plus éloigné de mon garage depuis des mois, cloîtrée par le temps brumeux, est bien regrettable. Cette philosophie asiatique va donc contribuer à rendre cette sortie dans le garage glacial hivernal plus supportable.

D'autant plus qu'à première vue, les conditions hivernales extérieures n'offrent aucune excuse pour quitter le canapé et enfourcher sa moto. Mais aujourd'hui, c'est le vrai hiver ! Gelé, mais beau. Il a neigé, le soleil et un ciel bleu sont là, il fait moins quatre degrés, ça mérite bien une petite sortie ! Un caleçon long sous un jean épais, des bottes fourrées, des gants d'hiver et je tire la Yamaha de son sommeil hivernal. Le minimum vital pour une courte aventure dans la forêt voisine prend place dans le sac à dos. Je suis impatient de pénétrer dans la solitude des pistes forestières hivernales et des sous-bois désertés. J'ouvre donc le starter, tourne le robinet d'essence et donne trois coups de gaz. Encore un peu raide dans les hanches, mon premier coup ne provoque qu'un bâillement fatigué dans le cylindre. Mais à la deuxième tentative, le deux-temps s'ébroue. Une brume bleue embue l'endroit et c'est parti. Heureusement, le 250 n'a pas besoin de chauffer pendant une demi-heure, l'huile est aussi visqueuse que celle du permafrost sibérien. Après une minute, j'enlève le starter du Mikuni et le plaisir commence dès la sortie de la cour.

Évolution directe du DT1, qui fut la première moto produite en série à révolutionner le genre MX en 1968, le DT2 a également été une révélation. Il est arrivé juste au bon moment, au début des années 1970. Le marché de la moto aux États-Unis n'avait jusqu'alors offert que peu de croissance. Seul le créneau des motos tout-terrain présentait un potentiel, comme le supposait Genichi Kawakami, le légendaire chef d'entreprise de Yamaha. La plupart des fabricants s'en remettaient à l'époque à des modèles éprouvés. En Europe Husqvarna, Greeves, CZ ou Maico étaient des spécialistes de la course. Les amateurs de tout-terrain, moins ambitieux, achetaient donc des motos de route et les transformaient. Échappement haut, guidon large, sabot moteur, le scrambler était né. La série DT de Yamaha offrait toutes ces caractéristiques, associées à la rigueur japonaise et à un poids étonnamment faible.

Au lieu des routes de village et des chemins de campagne, j'opte donc pour une balade off road, à travers les fourrés de la forêt. Ici, le manque de puissance n'est pas un problème, c'est le terrain qui s'avère être le véritable défi.

Les 23 chevaux de la moto viendront à bout des flaques d'eau gelées ou des branches invisibles cachées sous la neige. Mes yeux lisent attentivement le chemin. Un vent frais souffle à travers mon casque ouvert et me réveille.

Les acrobaties au guidon de la Yam me donnent même chaud et tout à coup, la morosité hivernale qui s'est installée entre les soirées Netflix et les puddings au chocolat s'est envolée. Mes mollets endoloris pendant deux jours me remercieront même de cette balade de plus en plus ambitieuse. Mais ça, je ne le découvrirai que le lendemain. Je me perds finalement de plus en plus profondément dans la forêt, glissant dans un état méditatif, quelque part entre une concentration tendue et une sorte d'ivresse insouciante. Au ronronnement excité des pistons se mêle le grésillement de l'échappement du Krizman, autrefois utilisé par le service forestier américain. En cette belle journée, ce son ne semble déranger personne dans l'arrière-pays. Bien installé sur la selle, l'ergonomie étant parfaitement adaptée, je laisse les roues tracer des empreintes fraîches dans la poudreuse. Sur les prairies scintillantes qui défilent, les cerfs broutent nonchalamment. Où aller ? Je me laisse guider instinctivement. Ce n'est que lorsque la faim et la soif se font sentir que je me rends compte que j'ai déjà passé trois heures à crapahuter dans la forêt. C'est à la fois peu et énorme. Pendant la pause qui me libère enfin de la lourdeur de mon sac à dos, mes pensées se tournent vers la beauté de la Yamaha, et le petit feu qui crépite doucement. Avec sa peinture noire usée, le DT2 se dresse tout naturellement dans la neige tandis que je savoure une saucisse à peine tiède et un thé chaud.

Ce n'est que lorsque la faim et la soif se font sentir que je me rends compte que j'ai déjà passé trois heures à crapahuter dans la forêt

Multifonctionnel, le DT est élégant, aussi charmant que le glorieux Desmo Scrambler de Ducati et non moins pratique qu'un Sherpa Bultaco. La Yamaha n'a rien à leur envier et sa plus grande force, je le réalise à cet instant, c'est sa modestie. Elle n'est pas là pour faire le spectacle ou performer, mais sait prendre les conditions défavorables à bras-le-corps. C'est de sa légèreté que je tombe amoureux, surtout en hiver, lorsque les autres motos dorment à juste titre sous des draps et que le mainteneur de charge est leur seul ami. La DT2 s'amuse dans la neige, soulève les feuilles, glisse et grimpe. Même lorsque l'excès de confiance et l'épuisement me font chuter dans la neige sur le chemin du retour, elle reste détendue et continue à rouler couchée. Je me relève sans effort. C'est exactement le sentiment et l'âme fidèle que je recherchais dans le gris de l'hiver. Quelle moto vraiment cool !

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