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Eric Mouillet : Pop art & béton

Modifié le Écrit par La Rédaction
Eric Mouillet : Pop art & béton
© Damien Lorrai
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Comment imaginer rendre le béton artistique et glamour ? Une question à laquelle a su répondre Éric Mouillet, plasticien et artiste peintre. À sa manière et en mettant son expérience professionnelle dans les matériaux modernes, il a su habilement détourner la technique du béton ciré, une façon plutôt en vogue chez les décorateurs et fort peu répandue dans le domaine de l'art pictural. Pour mieux comprendre d'où tout cela lui vient, nous l'interrogeons sur son parcours. Il répond : « J'ai étudié les Arts appliqués à Olivier de Serres à Paris. J' étais très intéressé par tout ce qui était manuel et je suivais l'atelier de luminaires dans cet établissement. Évidemment à travers ces cours j'ai appris la sculpture et aussi la dinanderie (NDLR : technique de formage et repoussage du cuivre) . Ce qui me plaisait le plus c' était avant tout le travail sur la matière. J'ai aussi progressé en soudure. Je circulais sur un vieux Vespa 125 GTR (NDLR : modèle emblématique 70s, pré-PX), toutes les années pendant lesquelles j'ai vécu à Paris, je ne me déplaçais qu'avec mon scooter. Je l'ai encore et je l'utilise. Je suis assez proche de ce milieu des vieux scoots ici à Avignon et ailleurs ».

 Il précise : « Une fois diplômé, je suis parti travailler dans un cabinet d'architectes. Ça ne me branchait pas plus que ça au final. Je ne me trouvais pas très bon dans ce domaine. En revanche, cela m'a permis de m'orienter vers la taille de pierre lors d'un stage où j'ai découvert cet univers. Je suis devenu apprenti chez un tailleur de pierres en 1993. Et je suis parti sur des chantiers de restauration de vieilles demeures ou de châteaux. Avec l'atelier Jean-Lou Bouvier, un grand spécialiste dans ce domaine. C'était passionnant. Dur physiquement mais ça me plaisait vraiment. Au bout de longues années, j'ai voulu m'installer à mon compte. Ça n'a pas été une réussite. Et vers mes 35 ans, j'ai décidé de faire autre chose. Je suis parti bosser dans le milieu du solaire. Un truc qui n'avait rien à voir avec ce que je faisais jusque-là ». Vite Éric reviendra vers sa vraie voie. Plus axée sur la décoration. Il apprend à faire du béton ciré.

De longues et fastidieuses étapes de préparation sont nécessaires avant le passage des couches successives de béton

Une technique qui se développe beaucoup pour différents styles d'intérieur, privés ou professionnels. Il précise à ce sujet : « En fait cela peut paraître curieux mais c'est une technique qui ouvre pas mal de possibilités et il y a vraiment de belles choses à faire ». Devant notre regard dubitatif, Éric s'amuse et se lance dans une explication rassurante : « Je n'avais pas arrêté le dessin pour autant. Et la photo en noir et blanc non plus. De plus, sur mon smartphone j'utilisais le logiciel Hipstamatic. Une sorte d'appareil photo génial pour réaliser des images très particulières. Avec beaucoup de constrastes. Et m'est venue l'envie de transposer mon savoir-faire sur les enduits de béton pour créer des images aux rendus hyperréalistes. Dans mes voyages j'ai fait beaucoup de photos de rues, de paysages urbains et j'aime aussi beaucoup le travail de Logan Hicks et ses scènes de rues. Bref, j'ai un peu mélangé tout ça et je me suis lancé. Avec à la clé, le travail au pochoir sur lequel je m'appuie et qui est mon outil de base ». En véritable créatif inspiré aussi par le street art, Éric va donc trouver au fil des tentatives et des essais de quoi parfaire ses rendus.

En choisissant de faire des portraits de moteurs ou d'engins qu'il affectionne, il se classe dans un monde mi-figuratif, mi-abstrait et crée un pont entre ses passions. Car la mécanique est très présente dans sa vie. Il s'en explique : « Quand j'ai quitté Paris pour venir m'installer à Avignon, j'ai gardé mon Vespa. C'est une machine qui fait partie de ma vie et j'y tiens beaucoup. Mais j'ai aussi franchi le pas vers le gros cube et j'ai une vieille BMW. J'adore ce gros flat twin. C'est un moteur très emblématique, comme le twin des Harley… Bref, tout ça m'a donné des sujets et des thèmes à explorer. Je me suis dit que j'allais réaliser des portraits de motos. Et ce qu'il y a de fantastique dans cette histoire c'est que je me passionne pour un modèle. Je me documente, je cherche des données, des images. Même si j'ai la moto sous les yeux, j'aime bien fouiller, apprendre. Ensuite viennent le dessin et la très longue étape des pochoirs... ».

Une démarche artistique et très technique où le minéral du béton remplace habilement les habituelles acryliques ou gouaches

Vue de loin, à quelques mètres (ce qui est rendu possible par l'échelle 1 ou ½ pour les “plaques” d'une moto ou scooter complet), on voit une image quasi photographique constituée par différentes teintes d'une matière qui accroche curieusement la lumière. Curiosité aidant on approche, une texture se révèle. Et de plus près encore, on distingue les différentes zones de pochoir superposées. Sur la technique employée, Éric précise : « Je travaille sur un support réutilisable. Le temps de découpage est très long, fastidieux et demande beaucoup de précision. Ensuite, j' étale et lisse mon enduit, en plusieurs couches. Chaque couche doit avoir la même épaisseur et les superpositions vont du plus sombre au blanc. L'avantage d'utiliser des pochoirs nettoyables - fabriqués dans un plastique spécifique - c'est que je les lave et m'en sers de matrice. Je peux tirer plusieurs fois la même image. Ce qui me permet d'envisager de très petites séries ».

À quelques centimètres de la “toile” on découvre toute la finesse des découpages et des couches successives. De 6 à 7 ? 8, 10… On s'y perd. C'est magique comme si on pouvait voir le grain d'un carter ou les “accros” d'une carrosserie de scooter parisien. Le Vespa est superbe. Le cylindre de la BMW en gros plan, sublime. Le profil d'un 1000 fonte H-D traité en black & white avec les nuances qui disent tout… On recule un peu et encore, jusqu'à retrouver cette dimension hyperréaliste du début. Entre street art et pure originalité, Éric trace sa voie dans un pop art réjouissant qui colle fort bien à notre univers motocycliste.

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