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Chabott Engineering : Trésor Custom vivant

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Chabott Engineering : Trésor Custom vivant
© Eric Corlay et DR
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C'est un drôle de petit bonhomme qui pourrait être le protagoniste d'une bande dessinée, d'un manga plus précisément. Une dégaine d'adolescent resté quillé dans les années soixante-dix, qui accorderait aussi peu d'intérêt à la mode vestimentaire qu'à sa coupe de cheveux lui donnant toujours l'impression de sauter du lit. Mais derrière des lunettes aux verres portant les stigmates de la limaille et autres projections de matériaux nobles, le regard est bien éveillé, même s' il semble s' échapper parfois vers un monde inconnu du commun des mortels. Un monde où l' odeur de l'huile chaude, la plainte des métaux battus à la main et le cycle à quatre temps seraient les uniques credo d'un peuple de guerriers mécanos. Ne cherchez pas non plus de tatouages, de t-shirt provocateurs, et encore moins une posture, les faux-semblants ne sont pas le genre de la maison… Et pourtant Shinya Kimura est une référence mondiale du custom, qui a inspiré et inspirera encore longtemps des milliers de builders, amateurs comme professionnels !

Shinya ne fait pas de compromis sur sa façon de voir les choses de la moto

Une réputation acquise depuis le début des années 90, lorsqu'il fonde Zero Engineering à Okazaki, un atelier spécialisé dans la préparation sur base Harley-Davidson. S'il démontre déjà un certain éclectisme en la matière, des choppers frisco aux purs racers, une vision particulière de la chose ne tarde pas à émerger et faire parler d' elle. La production de la maison se reconnaît par des machines radicales, très basses, dotées de cadres rigides au gooseneck prononcé, généralement motorisées par des blocs pré-Evolution revendiquant encore de la fonte, et regorgeant de pièces home made ou détournées. Une simplicité apparente rehaussée de délicats détails ciselés dans des matériaux « chauds » comme le laiton ou le cuivre, mais aussi de pièces qui redonnent la vedette à la bonne vieille tôle formée à la main à une époque où l' aluminium billet tient le haut du pavé.

Plutôt que de se fourvoyer dans les bibles de l'aftermarket, Shinya récupère, transforme, innove. Un simple carburateur Bendix d'origine, qui remplit les poubelles partout ailleurs, peut ainsi se transformer en la pièce maîtresse d'une bécane s'il décide de se pencher sur le cas du filtre à air… Un style est bel et bien né. Un style qui réinvente le bobber, et surtout qui attire l' attention du custom world sur le travail des préparateurs nippons ignorés depuis trop longtemps et qui, « d'infâmes copieurs », deviennent comme par miracle d'incontestables maîtres es old school. Et un style qui ne tarde à posséder un nom, le Zero Style… Fort de ce succès, il commence à proposer des machines neuves, même si elles paraissent avoir 50 ans d'âge, homologuées et produites en série limitée.

La suite, c' est le développement à grande échelle de motos commercialisées sous la marque Samouraï Choppers, plus connue au Japon comme le concept « Road Hopper », le tout sous la houlette d'un géant nippon de la distribution, Plot Inc., qui absorbe au tout début du siècle la société fondée par Shinya en 92. En 2002, c' est l'ouverture d'une usine de montage à Las Vegas, Nevada, puis en 2005, la participation au show télévisé de Discovery Channel l' opposant à Joe Martin dans le fameux Master Build Off. Une démarche industrielle et commerciale dans laquelle la fibre artistique de ce poète de l'acier ne semble plus avoir sa place. Shinya aime prendre son temps, revenir sur une pièce jusqu' à ce qu' elle lui donne entière satisfaction, bosser seul et peinard dans un atelier éclairé par les gerbes orange des meuleuses ou la flamme bleue d'un flambard. Shinya n'aime pas faire sans arrêt la même chose et encore moins les feux de la rampe. En 2006, il tire finalement sa révérence, quitte le Japon et Zero Engineering, qu'il ne vend pas contrairement à ce que l' on entend souvent, mais qu'il laisse simplement derrière lui sans demander son reste. Un geste chevaleresque, digne d'un fils du Soleil Levant, qui ne signe cependant pas sa perte mais plutôt un acte de renaissance… Dans une petite ville du comté de Los Angeles, à Azusa, alors qu'il ne bredouille toujours que quelques mots d'anglais, il ouvre Chabott Engineering. De la suite dans les idées le garçon, son premier bouclard, quelque temps avant l' ouverture de Zero Engineering se nommait déjà Chabo, que l' on peut traduire par « coq de combat ». Un retour aux sources grâce auquel il peut enfin mettre en pratique toute son expérience et redonner libre cours à son inspiration.

La force brutale de ce chopper est bien mise en valeur avec cette transmission primaire à l’air libre

L' expérience, c'est d'abord une longue initiation de jeunesse auprès d'un vieux mécanicien, qui lui enseigne les secrets d'une époque où un mécano devait savoir tout faire, notamment sur les anciennes de toutes les marques. Américaines bien sûr, mais aussi et surtout les européennes. Rien d' étonnant donc à le voir aujourd'hui prendre en charge des projets sur des bases aussi variées que Triumph, MV Agusta ou Ducati, dont un modèle à couples coniques destiné à la star hollywoodienne Brad Pitt qui, paraît-il, aurait intercédé en sa faveur pour l' obtention de l'indispensable carte verte… Expérience aussi à travers des études de biologie, spécialisées dans celle des insectes, et dont on ressent parfois l'impact dans le rendu de certains composants, prenant forme sous des coups de marteau guidés uniquement par l'instinct. Shinya ne dessine jamais rien au préalable, les motos sont montées morceau après morceau autour du propulseur choisi, sans forcément avoir d'idée préconçue sur le résultat final. Dernier exemple en date, la Neptune. Un Knucklehead de 1947 oscillant entre une machine roulante qui aurait pu être envisagée par Jules Vernes et une créature bio mécanique dévoreuse d'asphalte venue d'une autre planète… Quant à l'inspiration, il la trouve dans des secteurs aussi divergents que les racers à l'ancienne, les Lamborghini Miura et De Tomaso Pantera, une simple pièce d'origine inconnue aperçue sur un swap meet, dans l'art et la culture de la période Edo…

Son travail fait le lien entre la sculpture et la moto

Mais si l' on tient absolument à coller une étiquette philosophico-japonaise à son œuvre autant qu'à lui-même, l' expression « Wasi-sabi » semble la plus appropriée. Wabi transcrit les notions de solitude, de modestie, Sabi évoque les marques laissées par le temps, la patine et l'usure… Et pour comprendre que le terme lui colle plus à la peau qu'une vieille combarde un jour de flotte, il suffit de le voir évoluer dans l' obscurité de son atelier, solitaire, humble et les ongles noirs, mais heureux au milieu de ses trésors empilés, ou d' admirer l'Amber Trophy, un racer imaginé autour d'un Flathead de 1943, que l'on pourrait croire tout juste récupéré dans son jus au fond de la grange d'un casse-cou des années folles, et désormais exposée au National Hot Rod Associaton Museum de Pomona, malgré aucun titre ni le moindre record à son actif… Car si Shinya aime l'idée de vitesse sur deux roues, il l'aborde moins au travers la technologie moderne avérée qu'avec l'empirisme des apprentis sorciers du début du XXe siècle. Et ferait davantage confiance au vieil adage qui veut qu'une belle moto aille toujours plus vite qu'une moche, même si, hélas, ce n'est plus toujours vrai… Pour lui, la véritable performance c'est de construire une moto de A à Z, puis de se lancer à son guidon pour la pousser au maximum de ses possibilités, le reste n' est que littérature. « J'ai l'impression de voler et de devenir une partie de la moto » confesse t-il lorsqu'on l'interroge sur ces motivations…

Voilà sans doute pourquoi il s' est élancé dernièrement sur la croûte du plus fameux des salt lake au guidon de la Spike, un Knuckle 46 affûté comme un katana et qui semble synthétiser les connaissances que son concepteur a accumulées depuis plus de deux décennies consacrées à son art. Construite pour un client de Tokyo, la machine n' a rien d'un show bike, mais elle est tout bonnevillement fantastique… C' est de la puissance brute, de celle qu' on ressent devant un bagarreur né ou au pied du mont Fuji. La carrosserie non peinte, comme souvent, laisse entrevoir l' énorme boulot effectué dans de la feuille d'aluminium formée à la main. En ne cherchant pas à en masquer les inévitables défauts d'une fabrication artisanale, Shinya indique clairement que la perfection est ailleurs. Peut-être dans la vision qu'il se fait d'un échappement, très loin de savants calculs sur la mécanique des fluides, mais tellement romantique… Résultat des courses : 109.830 mph. Si ce chrono vous fait sourire, c' est que vous n'avez rien compris à Shinya Kimura, et c'est tant mieux puisque vous n'aurez pas à patienter un an et demi avant que votre nom atteigne le top de sa liste d'attente….

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