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Tudor : Le joyau de la couronne

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Tudor : Le joyau de la couronne
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C'est peut-être un détail pour vous mais, dans le monde très normé de l'univers Rolex, l'information vaut son pesant d'or, ou plutôt de titane dans ce cas précis. « Dans le dernier numéro du magazine Rolex, on apprend que le navigateur Ben Ainslie, multiple médaillé olympique, ambassadeur Rolex et skipper de l' équipe de Grande-Bretagne sur le circuit SailGP, porte une Yacht-Master en titane RLX, un alliage de titane très léger résistant aux déformations, à la corrosion et d'un diamètre de 42 mm. C'est une pièce unique, réalisée spécialement pour lui afin qu'il puisse la tester en conditions réelles », détaille Jean-Philippe Tarot, fondateur du site d'information horloger de référence montresdeluxe.com. « Ne cherchez pas, il n'existe actuellement aucune Rolex en titane sur le marché ! La seule Rolex à intégrer un peu de titane dans sa construction est la Deepsea dont le fond de boîte est fabriqué dans ce métal. La montre de Ben Ainslie est donc unique à plus d'un titre. » Il s'agit non seulement de la toute première Rolex à être dotée d'un boîtier en titane RLX de couleur gris anthracite avec finitions mates et étanche à 100 mètres… mais son cadran noir à finition satinée est aussi sans date ! Une autre première pour cette référence.

En annonçant son partenariat avec la Marine Nationale Française, la marque inscrit son futur dans la légende de son passé

« Mieux, elle se porte sur un bracelet en Cordura et élastomère, réalisé d'un seul tenant, poursuit Jean-Philippe Tarot. Ce strap inédit pour Rolex, qui se ferme grâce à un Velcro, passe sous le boîtier de la montre - comme un Nato - mais se fixe grâce à deux barrettes. » Quelle marque a présenté une montre de plongée tout en titane dès 2012 ? Tudor, avec la Pelagos. Quelle marque a intégré des bracelets en tissu (d'une qualité exceptionnelle et réalisé par Julien Faure, une entreprise française) passant sous le boîtier mais se fixant avec deux barrettes d'attache ? Encore Tudor, avec le modèle Black Bay, présenté lui aussi en 2012 au Salon de Bâle et devenu l'un des best-sellers de la marque. Doit-on y voir une simple coïncidence ? Certainement pas. Ce que Rolex ne peut s'autoriser en première intention, eu égard à son identité statutaire et sa richesse patrimoniale, Tudor le teste. Et quand le succès commercial des innovations Tudor est au rendez-vous, les têtes pensantes de Rolex en profitent pour alimenter leur matrice créative.

Tudor Photo
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L'exemple de la Yacht Master du skipper Ben Ainslie est à ce titre extrêmement révélateur. Reste que les transferts “inspirationnels” de Tudor vers Rolex sont rares et prennent du temps, beaucoup de temps. Pas seulement parce que l'horlogerie est une industrie du temps long mais aussi - et surtout - parce que Rolex ne laisse jamais rien au hasard. « Tudor peut effectivement se permettre de faire tout ce que Rolex ne fera jamais pour mille raisons, détaille un célèbre marchand parisien. En revanche, pour mieux le comprendre, il faut analyser la situation à l'envers : Tudor permet à la fondation Hans Wilsdorf, c'est-à-dire au groupe Rolex, de sortir des nouveautés qui n'auraient jamais leur place chez Rolex. En ce sens, Tudor est davantage un relais de croissance qu'un laboratoire pour Rolex. Les acquéreurs de Tudor, dont le segment de prix est inférieur à celui de Rolex, sont généralement plus jeunes et moins classiques. En revanche, après avoir acheté une ou plusieurs Tudor, ils auront envie de s'offrir une Rolex. C'est une stratégie implacable. Tudor est le marchepied de Rolex. » Prenons un autre exemple : la montre Black Bay Fifty-Eight de Tudor est un carton planétaire car elle réussit à allier l'esthétique des plongeuses Tudor vintage de la fin des années 50 aux tendances et aux spécifications techniques d'aujourd'hui. Pour les collectionneurs, le jeu consiste d'ailleurs à deviner quel modèle ancien sera l'objet de la prochaine adaptation pour la collection Heritage de Tudor. Cette stratégie du “revival” s'appelle aussi le néo-vintage ou le néo-rétro. Toutes les marques, de Breitling à Oris en passant par Omega, Longines ou TAG Heuer, se sont engouffrées dans cette brèche en rééditant les pépites de leurs anciens catalogues.

Tudor est d’abord son propre laboratoire expérimental avant d’être celui de Rolex

Toutes ? Non. Rolex s'y refuse ; ses modèles contemporains étant intrinsèquement intemporels, la marque à la couronne n'en a nul besoin. « Tudor est d'abord son propre laboratoire expérimental avant d'être celui de Rolex », remarque subtilement Jean-Philippe Tarot. Pas faux. Il serait ainsi inimaginable que Rolex s'associe à Breitling et à Chanel. Impensable ! Tudor l'a fait avec Kenissi, cette entreprise discrète fondée en 2012 pour livrer des mouvements horlogers à la maison Tudor et la désengager progressivement de sa dépendance à la société ETA (propriété de Swatch Group) qui motorise un nombre incalculable de marques “swiss made”. Les premiers calibres Tudor sont sortis en 2015, les échanges avec Breitling signés en 2017 et l'entrée de Chanel à son capital officialisée en 2019. Le géant Rolex ne pouvait rester dépendant du Swatch Group pour équiper ses montres Tudor. Voilà pour la face émergée de l'iceberg. La partie moins visible ? Grâce à Tudor, Rolex s'est rapproché de Chanel, autre mastodonte du luxe. Sans Tudor, cela aurait été moins simple. Déposée en 1926, Tudor a été rachetée en 1936, puis relancée en 1946 par Hans Wilsdorf, l'homme qui a fondé Rolex en 1905.

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Son objectif à l'époque ? Produire des montres dans une gamme de prix plus accessible. « Depuis plusieurs années, j'ai étudié la possibilité de fabriquer une montre que nos concessionnaires puissent vendre à un prix plus bas que nos montres Rolex et qui soit digne de la même confiance traditionnelle, expliquait-il alors. J'ai donc décidé de fonder une société à part, en vue de fabriquer et de vendre cette nouvelle montre. Cette société se nomme Montres Tudor SA. » Près d'un siècle plus tard, ce discours est toujours d'actualité !

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« Tudor est une manufacture qui ose, détaille un cadre de la marque, dont la devise est #borntodare. « Tudor ose sur le plan des montres mais aussi dans la manière de les faire vivre. Les produits sont excellents, notre communauté est prescriptrice et nos clients sont à la fois des primo-acquéreurs et des amateurs chevronnés ; ce qui est rare. »

Une manufacture qui ose sur le plan des montres, mais aussi dans la manière de les révéler, de les faire vivre

A l'image de Cartier qui sait fait revivre ses icônes comme la Panthère ou la Tank, Tudor sait réinventer - avec la bonne dose de modernité - les modèles emblématiques de son passé. On pense ici au chronographe Oysterdate lancé en 1970 et plus précisément au modèle “Montecarlo” en 1971 ou encore aux Tudor Submariner adoptées par la Navy et la Marine Nationale française, dont la fameuse référence 7924 qui affole les collectionneurs… d'autant que Tudor vient de signer un nouveau partenariat avec la Marine nationale en présentant la nouvelle Pelagos FXD gravée M.N.. Immédiatement, on pense aussi aux aiguilles “snowflakes” - présentes dès 1969 avec la Submariner 7016 - qui sont devenues une signature maison. Pourrait-on imaginer une montre Rolex arborer un jour des aiguilles “snowflakes” ?

Certainement pas. Et, contre toute attente, c'est parfois Tudor qui s'inspire de Rolex comme le prouve le nouveau Black Bay Chrono qui n'est pas sans rappeler un Daytona avec ses poussoirs vissés, sa lunette tachymétrique et ses deux déclinaisons de cadrans, noir ou blanc. « Tudor est piloté dans les faits par le patron de Rolex, indiquait récemment l'expert Olivier Muller, fondateur de LuxeConsult, dans les colonnes du Point Avec Tudor, Rolex se place de façon très intelligente sur un segment de prix qui la protège depuis le bas. En attaquant les concurrents que sont TAG Heuer ou Breitling, elle les occupe et les empêche de monter en gamme. Tudor propose des produits qui ne sont pas en concurrence avec Rolex, car ce ne sont pas les mêmes mouvements, mais elle complète l'offre par des produits destinés à un public plus jeune et plus branché. » Cette année, Tudor - passé de la 20ème à la 14ème place mondiale du classement établi par la banque américaine Morgan Stanley grâce à une croissance de +10% - est allé encore plus loin en présentant son modèle Black Bay Ceramic certifié par l'Institut fédéral de métrologie suisse (Metas). Une certification qui impose une précision ne variant que de 0 à +5 secondes par 24 heures mais aussi une résistance du mouvement à des champs magnétiques de 15 000 gauss, soit l'équivalent de ce que produit une IRM dans un hôpital ! Jusqu'à présent, seul Omega proposait - et ce depuis 2015 - ce degré de qualité avec sa gamme Master Chronometer. Petite différence : avec son prix de 4 440 euros, la Tudor est près de deux fois moins chère que le premier modèle équivalent proposé par Omega, la Seamaster Diver 300M Black Black ! Si ce jeu-là permet finalement de légitimer les innovations d'Omega, Rolex s'en sert aussi pour envoyer un message à son concurrent historique : il est temps de prendre Tudor au sérieux.

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