Julien Fabro : Objectif fast-life
Se penche souvent sur ceux qui ont marqué temps et générations. Pour beaucoup ? Disparus, moins sous la lumière de Lucas patinés au sable d'un Dakar qui avait lieu entre Paris... et Dakar. Alors, moins “Heroes” la Gen Z ? Julien Fabro, créatif, sérieux voyageur, photographe, entrepreneur prouve... que non. Par Arnaud Choisy.

Trentenaire installé dans la capitale des Gaules, dont le parcours est une ascension fulgurante et réussie, Julien Fabro dirige aujourd'hui deux entreprises : une d'influence marketing pour Instagram et YouTube et la seconde de production publicitaire. Les études ? Il les stoppe alors qu'il est en 4e année de Master de commerce et communication, parce qu'il rédige un blog qui cumule un million de visites mensuelles.
Une agence lyonnaise lui propose alors de créer et développer son pôle social media. Il accepte, tout en négociant de maintenir actif son propre support numérique. Il dit : « Je n'ai que 21 ans, je suis hyper stimulé, on bosse avec les plus grandes marques automobiles, je voyage tout le temps, je vis une aventure formidable. »
Débuts sur YouTube
Changement d'algorithme, le blog s'effondre. Peu importe, il lance son Vlog sur YouTube : « Pendant près de six mois je postais trois vidéos par semaine pour un total d'une centaine de vues hebdomadaires. Et puis je suis remarqué par l'armée française qui me propose une immersion de trois jours au 35e RI de Belfort. À 23 ans, j'endosse le rôle de recrue et ça cartonne. Je passe de 300 à 15 000 abonnés en deux semaines ! Pour moi, cette expérience fut un véritable tremplin ! » avoue-t-il.
C'est ensuite l'organisation des 24 H du Mans qui lui donne un accès libre et total à la course légendaire : « Je me retrouve à bord d'un hélico, tourne en Porsche, je raconte tout ça à ma manière, candide émerveillé, passionné, et ça plaît ! » L'armée de ceux qui naviguent l'embarque, il fait son premier 14 juillet à bord d'un hélico de combat.
Les abonnés qui le suivent aiment le ton et la sensation d'immersion. Il en fera de même avec les pompiers de Paris, puis une unité spéciale de la gendarmerie. Pour Julien, c'est aussi la découverte de l'autre : « De ces tournages je retiens - par-delà les folles expériences en elles-mêmes - les rencontres humaines. Aux côtés de ces engagés j'ai pu les écouter, prendre du recul sur la vie, sur la mort et ça m'a fait du bien. »
De ces tournages je retiens - par-delà les folles expériences en elles-mêmes - les rencontres humaines.
Julien Fabro

Moto et viralité
Bien dans son rôle, l'hyperactif aborde des sujets qui font rêver, se lance des défis que beaucoup aimeraient relever tout en gardant un ton léger et en s'appuyant sur une vraie narration, des images fortes et bien montées. On le suit parce qu'on apprend à ses côtés. Les années passent, le rythme ne faiblit pas - jamais en réalité -, et, souvent, sans frontières entre vie numérique et vie privée. Carton rose à points en poche depuis sa majorité, frappé par la fièvre café racer - forcément contractée via les réseaux sociaux -, il se lance dans la construction du sien sur base BMW.
Sur un salon moto il rencontre les French Monkeys (aujourd'hui French Moto), acquiert une R 65 ex-gendarmerie pour 2 500 €, y ajoute le même montant en préparation, s'implique dans le design de l'ensemble. La demi-douzaine d'épisodes cartonne, chacun totalisant autour de cent mille vues. Toujours authentique il dit : « J'aime d'une moto qu'elle ait une âme, sans asepsie, pissant l'huile, pétaradante. Un look dit de toi qui tu es et la route au guidon te donne ce sentiment unique de liberté, permet de te rapprocher de bien d'autres communautés. Pistards, bikers ou gentlemen riders, nous partageons tous cette même passion. »
Les rencontres, lorsque désirées, passionnantes ou généreuses, en appellent souvent de nouvelles. Il en est ainsi avec le team lyonnais BAAK - entre autres célèbre pour son univers et ses créations moto sur châssis et mécaniques Triumph. Il rencontre donc Rémi, lui fait part d'un de ses (nombreux) rêves : partir aux USA faire un shooting moto. BAAK y a un shop-atelier, voyage et rencontre sont organisés. Surprise heureuse de la vie de voyageur, Julien se lie instantanément avec Rémy et Laura et quelques autres bons copains qui se joignent au sujet.
Autour de cette “Bobber Moon” la jeune équipée positivement barrée file dans le décor sec et minéral du parc naturel d'Alabama Hills qui offre à la fois immensité et profondeur de champ. Julien organise la direction artistique, choisit fringues, casques et dirige le shooting dans un halo orangé, évocateur d'une possible virée martienne, en cette golden hour si particulière de Californie. Que serait la Californie sans l'égale immensité de ses plages ? Direction Pismo Beach, rare bande de sable d'un État ouvertement écologiste mais ouverte à la circulation motorisée.
On se lâche dans la silice dorée, les clichés expriment l'insouciance d'une jeunesse qui l'est de moins en moins.
Julien Fabro

Voyages et dépassement
Nouvelle rencontre professionnelle, nouvelle bascule. La Compagnie du Ponant l'engage à bord du Commandant Charcot pour le lancement de sa future croisière en Antarctique. Il tombe amoureux des grands espaces qui n'ont de frontière que la seule résistance de l'homme dans un environnement qui lui est hostile.
Le tour opérateur apprécie son travail et l'envoie littéralement aux quatre coins du monde. Un voyage, une aventure sans relâche qui court sur quatre ans et lui ouvre encore plus grand les yeux : « Mon extraordinaire, ce sont les glaces éternelles des pôles, ce sont les voyages, loin, ailleurs et les populations que je rencontre. Je sais la chance que j'ai mais je reste humble, je me rappelle d'où je viens et ne l'oublie pas. J'ai hélas perdu beaucoup d'amis au fil du temps, peut-être que d'être témoins de cette fast-life les a fatigués, peut-être aussi un peu par jalousie, mais j'ai la chance d'avoir une vie personnelle qui m'entoure et me guide dans la bonne direction. »
Après onze ans de parcours et d'émerveillement, à couvrir du regard et capturer dans un objectif ce qu'est le beau du monde, sa perception évolue : « Je mesure aujourd'hui que je ne me suis jamais arrêté, que je passais d'un projet à l'autre, pour les autres, sans même prendre le temps de les vivre, un seul instant, pour moi. C'est la première fois cette année que je viens de passer 4 mois d'affilée chez moi. Je découvre ! J'essaie d'apprendre la plénitude et ses courts instants et je sais qu'à l'avenir, je prendrai ce temps. De toute façon, je suis un amoureux de la vie, de l'être humain et ma plus grande peur étant la mort, je continuerai de tout faire pour me sentir vivant ! » Cette rencontre avec Julien m'a fait réaliser que j'ai toujours admiré mes prédécesseurs.
Ceux-là mêmes qui ouvrirent bien des voies, qui montrèrent à la fraction d'intéressés que l'extraordinaire pouvait toucher l'intégralité des sens, s'obtenir en prenant des risques, en grimpant plus haut que le camp de base des 35 h, en choisissant un ailleurs que deux quais de métro ou la correspondance sans grâce d'un train corail humide. Les canaux modernes de communication et leurs vecteurs logés dans la poche arrière du froc peuvent faire croire aux grincheux étroits qu'aujourd'hui tout est facile, que l'effort n'est plus. Lettres et verbes justes subsistent, oui, mais luttent, sont à la peine. L'image, la vidéo, les réseaux sociaux Monsieur !
Résultats, succès et gloires en un clic. Authentique Gen X moi-même tendance couenne épaisse, j'ai d'abord jugé ces Instagramers, Youtubeurs et autres “influenceurs”. Hier, Jules Verne, Hugo, Asimov. Aujourd'hui, la famille Kardashian, Les Anges de la téléréalité... Et puis, à travers mes voyages, j'en ai rencontré. À moi le carnet de notes, à eux le smartphone, le drone, la Gopro, le boîtier hybride plein format et le stabilisateur. Là où pour nous une carrière s'installait sur une moitié de vie - a minima -, la leur peut s'envoler en quelques mois seulement.
Je pensais retranscrire certaines émotions, j'ai rencontré une jeune génération en quête des mêmes, et qui, jamais sans relâche, sept jours sur sept, l'exprime avec ses propres codes, à sa manière. Là où nous nous sommes parfois abîmés, les infatigables meilleurs de cette Gen Z en font de même et nous permettent, vraiment, de retrouver une certaine saveur de nos jeunesses éloignées. Ils ont la tête sur les épaules, ne ménagent pas leurs efforts, donnent l'exemple. Ils nous racontent leur monde et moi, parfois, je me verrais bien encore vivre des trucs supers fous avec eux.
De toute façon, je suis un amoureux de la vie, de l'être humain et je continuerai de tout faire pour me sentir vivant !
Julien Fabro

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